À la fin du mois d'avril 2023, une compilation prestigieuse est sortie. Imaginez un peu : les six premiers jeux Final Fantasy, réunis et bénéficiant d'un léger relooking. Pourtant, ce qui devait être une célébration pour la franchise est un camouflet trahissant de nombreux écueils liés au marché du rétrogaming aujourd'hui. Retour sur l'affaire Final Fantasy Pixel Remaster.
Comment six jeux légendaires se transforment en camouflet avec Final Fantasy Pixel Remaster
Signe des temps, la compilation Final Fantasy Pixel Remaster est sortie fin avril 2023 dans une certaine indifférence. Enfin, tout est relatif : les passionnés auraient aimé répondre présents pour accueillir, comme il se doit, six jeux vidéo ayant particulièrement marqué l'histoire du J-RPG. Et, derrière, le jeu vidéo de manière générale.
Jusqu'alors, les compilations de la série Final Fantasy ont été particulièrement rares. On se rappelle Final Fantasy Anthology, sur PS One, avec les épisodes 4 et 5. Éventuellement, les diptyques avec deux jeux de la même série, tels que Final Fantasy VII et VIII sur Switch, ou Final Fantasy X et X-2 HD Remaster plus récemment.
Néanmoins, la perspective offerte par cette version pixel remaster était prometteuse, pour le moins. Rien de moins que les six premiers jeux vidéo de la série légendaire de Square Enix. Si les deux premiers épisodes sont assez quelconques aujourd'hui, les quatrième et sixième épisodes restent d'excellente qualité. À côté, Final Fantasy III et V sont très plaisants et ont leurs défenseurs.
Tout était prêt pour célébrer l'héritage d'un des plus grands noms du jeu de rôle japonais, à l'aune de la sortie de Final Fantasy XVI. Pourtant, Square Enix a réussi à complètement gâcher la fête. De manière, on peut le dire, complètement absurde.
Une version physique aux abonnés absents, faisant la joie des scalpers
Si l'aimable lecteur qui lit ces lignes s'est renseigné sur la compilation Final Fantasy Pixel Remaster, il aura pu se renseigner. Oui, les six jeux sont disponibles sur Nintendo Switch et Playstation 4. Chacun des jeux est accessible séparément, ou en lot, sur les plateformes respectives des constructeurs : eShop et Playstation Store.
C'est le cas, aujourd'hui du moins. Dans un premier temps, Square Enix a mis en avant les précommandes pour les versions physiques de Final Fantasy Pixel Remaster. Les six jeux étaient disponibles sur Switch et PS4, dans une édition standard ou collector. Très vite, les seuils de précommandes maximaux ont été atteints, et il n'était plus possible de commander les versions physiques.
On peut se demander à quel jeu joue Square Enix. La franchise Final Fantasy, si elle a perdu de son éclat par la force des épisodes les plus récents, le XV en tête, raviver le flamboyant souvenir des premiers opus était une occasion sans pareille de rappeler l'importance de la franchise.
Les principaux bénéficiaires de la démarche de Square Enix, une nouvelle fois, seront les scalpers. Ceux-ci vont pouvoir se faire plaisir avec compilations précommandées rapidement, et revendues à un prix dément.
En ne mettant pas à disposition suffisamment d'exemplaires de sa collection, l'éditeur japonais met en exergue deux constats. D'une part, les revenus digitalisés sont plus avantageux, quand bien même les précommandes ne sont disponibles que sur son site officiel.
D'autre part, l'éditeur n'a plus confiance dans sa licence la plus emblématique.
Compilation Final Fantasy Pixel Remaster : un relooking graphique loin d'être à la hauteur
Au gré des années, chacun des épisodes présents dans la collection Final Fantasy Pixel Remaster a bénéficié de versions revisitées, voire de remasters. On se rappelle notamment les épisodes 3 et 4, en 3D, avec de nouvelles additions sur Nintendo DS. Mieux, encore : les versions PS One des épisodes 4, 5 et 6, avec des cinématiques ajoutées, et de belles traductions françaises.
En comparaison, force est de constater le peu d'efforts manifesté par Square Enix pour cette compilation. Certes, les pixels sont légèrement lissés et affinés. Toutefois, lorsqu'on parle de jeux ayant tous plus de trois décennies d'âge, la collection fait grincer des dents.
Pas de nouveaux contenus, ni cinématiques présentes sur d'autres remasters. Avec les supports Switch et PS4, rien n'empêchait Square Enix de réutiliser ces vidéos dans ces nouveaux jeux. Visiblement, l'éditeur privilégie l'expérience originelle, aux dépends d'une version plus perfectionnée.
Si l'on ajoute à ça un tarif particulièrement onéreux, chaque épisode se vendant entre 13€ et 18€, et le lot à 75€, on ne peut que vitupérer contre Square Enix. Il sera plus évident d'attendre d'éventuelles promotions Playstation Store ou eShop pour s'offrir ce pan non négligeable de l'histoire du jeu vidéo.
Bon, en même temps, l'éditeur offre une perspective similaire à celle de Konami, avec sa fameuse compilation Suikoden 1 +2 en HD. Le J-RPG est visiblement un genre du passé, n'attirant plus les foules. Et ne comptez pas sur les éditeurs iconiques pour rehausser l'intérêt du genre.
Final Fantasy Pixel Remaster, ou la gentrification du rétrogaming ?
On ne peut que s'interroger devant le peu d'efforts fourni par Square Enix. Après la vente de certaines licences prestigieuses, elles aussi liées au passé du jeu vidéo, cette collection Final Fantasy Pixel Remaster et son traitement ne sont-ils pas un signe des temps ?
Depuis quelques années, le marché du rétrogaming est devenu de plus en plus onéreux. Retrouver certains des jeux vidéo chers à son enfance peut coûter, très, très cher. Il suffit de regarder les prix de jeux a fortiori un peu anecdotiques, tels que Legend of Dragoon, Tombi ou Grandia, pour s'en convaincre.
Pourtant, jamais la mode des remasters et des remakes n'a été aussi conséquente. L'über-exemple de The Last of Us, ayant bénéficié d'un remaster, puis d'un remake en l'espace de 10 ans reste particulièrement révélateur.
Finalement, privilégier une expérience intacte par rapport aux jeux originaux valorise un prix élevé, puisque les perspectives de succès commercial sont assez peu élevées aux yeux des éditeurs. On assiste ainsi à une gentrification du rétrogaming, où les titres ayant composé la grande histoire du jeu vidéo se destinent aux portefeuilles conséquents exclusivement.
De notre côté, on va se remettre à la recherche du premier Tomb Raider. Pour oublier notre peine. Et ranger immédiatement la boîte sur notre étagère. Bonjour tristesse.