Ça y est ! La série The Last of Us est enfin disponible, avec des années d'attente. Une attente finalement récompensée par un premier épisode, d'ores et déjà disponible sur Amazon Prime Video en France, sans surcoût. C'est le bon plan du service de streaming qui se dote là d'un nouvel argument pour fédérer les sérievores. Derrière l'événement, la qualité est-elle au rendez-vous ?
The Last of Us : un jeu qui avait tout pour être adapté en film ou série
Cela fait quelques années que le jeu événement de Naughty Dog, The Last of Us, est dans les coulisses de Hollywood. Après tout, le potentiel cinématographique du jeu était probant, plus encore que la saga du même studio, Uncharted. Qui, elle, a subi une adaptation bien moins honorable tout récemment.
C'est donc le 15 janvier 2023, et un jour plus tard en France, que le premier épisode de la série TV s'est rendu disponible. Une mise en place un peu atypique pour l'Hexagone. Alors qu'OCS a tout récemment perdu les droits de diffusion des programmes HBO, c'est Amazon Prime Video qui a tiré profit de la situation. La première saison de la série télé The Last of Us sera entièrement disponible sur le SVOD, et sans surcoût.
Avec ce porte-étendard, Sony peut se doter d'une nouvelle audience pour ses futurs jeux. L'éditeur a amorcé cela en sortant, il y a quelques mois, The Last of Us Part 1 sur PS5. Un jeu qui aura suscité la controverse, pour son tarif, et également ses personnages sensiblement vieillis.
À dire vrai, l'âge plus avancé de Tess et Joel se justifie entièrement. Il prouve de plus les efforts du studio pour s'acoquiner de plus près à la série, diffusée sur la chaîne câblée HBO, le service de streaming HBO Max, ou Prime Video pour la France exclusivement.
Si le jeu ressemble à la série télé, la réciproque n'en est pas moins vraie. Les joueurs du soft originel ne seront pas dépaysés, au contraire. Cependant, y a-t-il une véritable plus-value à cette adaptation ?
Un premier épisode long et très bien ficelé, ravivant le prologue de The Last of Us
Cela ne vous aura pas échappé : cet avis est présent dans la section "Actualités", et non pas "Test". Pourquoi ? Pour la bonne et simple raison que, comme le commun des mortels, nous n'avons pour le moment pu que regarder le premier épisode. Élaborer un avis définitif sur une série à partir de son pilote serait malhonnête. D'autant que, selon nombre de sources, les prochains épisodes devraient différer quelque peu du jeu originel.
L'épisode se scinde en deux parties : le prologue, quasi-similaire à la création de Naughty Dog, et le "présent", 20 ans après l'infection.
Plus long et détaillé, le prologue de la série TV immerge dans le drame de Naught Dog
Qu'on se le dise : en de nombreux points, The Last of Us, la série, reprend des éléments du jeu originel. Le prologue, vu par les yeux de Sarah, ravive certaines scènes emblématiques. Jusqu'à une plaisanterie, qui étonnait la première fois, et fait sourire désormais (le fameux "argent de la drogue").
HBO, par son expertise en matière de création de programme télévisuel, a su rajouter quelques éléments de narration bienvenus. L'entame du pilote se situe dans les années 60, où un scientifique donne son avis sur les prochaines menaces auxquelles l'humanité sera confrontée.
La réponse, limpide, suscite les rires des spectateurs, sans qu'ils ne mesurent la portée prophétique de cette annonce. Un fungus, un champignon, en somme, pourrait être le Nemesis de l'Homme.
La relation entre Joel et Sarah est restituée, de leurs moments de complicité à la fuite en voiture, jusqu'à la course dans les rues envahies par des infectés. Et le dénouement.
Cependant, certains éléments diffèrent, ou ont été ajoutés. Si l'on voyait un voisin infecté dans le jeu, désormais on a une vision du monde avant l'infection. Certes quelque peu caricaturale, et potentiellement avec quelques éléments sujets à discussion, elle permet d'établir une phase d'exposition appréciable, avant l'embrasement.
Sarah, très justement jouée par Nico Parker, la fille de Thandie Newton (c'est une évidence une fois qu'on le sait), est au diapason de Pedro Pascal, qui incarne Joel. En revanche, on pourra regretter la caractérisation un peu "bêta" de Tommy, le petit frère de Joel. Simplement esquissé à ce moment du jeu, il émanait de lui une tout autre aura.
Bienvenue à Boston, où Ellie rentre en scène, avant la fuite sous la pluie
20 ans plus tard, Joel vit de petits boulots et larcins, aux côtés de Tess. Les deux sont bien connus de la pègre locale comme des forces de l'ordre. Il aura suffi d'un deal qui tourne mal pour que le binôme fasse la connaissance d'Ellie.
Comme révélé à l'issue de l'épisode, la jeune femme est infectée... sans en ressentir le moindre symptôme. Une première, qui donne une importance particulière à cette jeune femme. Femme ? Oui ; contrairement au jeu vidéo, Ellie n'est pas ici dans sa prime adolescence, mais à son terme.
Ce changement en justifie d'autres. De mignonne petite bouille aux remarques sarcastiques et drôles, forçant l'envie de protéger, Ellie est ici plus violente et dure dans son attitude. Une modification qui rend le personnage finalement plus réaliste, eu égard aux événements qu'elle a pu vivre, et à la société dans laquelle elle a toujours vécu.
Interprétée par Bella Ramsay, déjà vue dans Game of Thrones, Ellie donne parfaitement le change à Pedro Pascal et Anna Torv (Fringe, Mindhunter) dans le rôle de Tess. Le casting parvient à modifier certains aspects des personnages, tout en les rendant crédibles.
Toutefois, changer la perception d'Ellie, n'est-ce pas finalement changer l'émotion inhérente à The Last of Us ?
Un jeu avant-gardiste dans sa narration fera-t-il pour autant une excellente série ?
Aujourd'hui devenue référence dans le jeu vidéo, la franchise The Last of Us marquait les esprits par un prologue d'une émotion forte. Pensez aux premières minutes du film Premier Contact, de Denis Villeneuve, pour comparaison. Et encore ; la force du jeu de Naughty Dog, sa narration, permettait de ressentir quelque chose de spécifique au média du jeu vidéo. Une émotion qu'il va être très compliqué à susciter avec la même force à travers une série TV.
Rien d'autre que l'un des jeux les plus marquants de ces dix dernières années
Lorsque The Last of Us sort sur Playstation 3, le 14 juin 2013, il crée un petit séisme dans le monde du jeu vidéo. Belle, très bien écrite, la production de Naughty Dog fait à la fois office de parangon technique et de chant du cygne de la console.
L'histoire est désormais bien connue, et The Last of Us est rentré au panthéon du jeu vidéo, après deux épisodes seulement. Toutefois, ce n'était pas dans le gameplay, assez générique somme toute, que se distinguait le jeu first-party de Sony. C'est bel et bien dans la narration que s'illustre le bijou figurant Joel et Ellie.
La première rencontre avec le jeu, ce fameux prologue, aux conséquences absolument dramatiques, constitue un tour de force ayant marqué tous les joueurs. En contrôlant Sarah dans un premier temps, le joueur s'attache à cette petite fille, au cours de quinze minutes laisse une empreinte indéniable. L'émotion n'en est que plus intense à l'issue de cette phase.
De mémoire de joueur, sur les dix dernières années, aucun autre jeu n'est parvenu à approfondir une narration, pourtant bien rodée, afin de créer une spécificité au jeu vidéo. L'émotion ressentie à l'issue du prologue, ou dans la fin du jeu, est parfaitement universelle. À ce jour, seul peut-être Outer Wilds parvient à effectuer un tour de force similaire, dans un tout autre registre cependant.
Une émotion rare dans The Last of Us, qu'il n'est pas possible d'adapter en série TV
The Last of Us prouvait qu'il y avait une émotion propre au média du jeu vidéo. Il n'est ainsi pas possible de la ressentir de façon si vivace à travers un film, ou une série. Le lien entre un joueur et son personnage, avec tout ce que cela induit de transfert, n'est pas adaptable.
Et c'est là où le bât pourrait blesser pour la série télé de HBO. Après un premier aperçu à travers cet épisode, l'ensemble est très bien ficelé, mais ne suscite pas la même émotion. Ce fossé pourrait s'accroître drastiquement lorsque The Last of Us Part 2 sera adapté.
Sans rentrer dans les divulgâchages, l'opposition entre volontés du joueur et du personnage est l'une des incroyables forces de ce second épisode, faisant indéniablement avancer le média dans une direction inédite.
Il est pour le moment difficile de se prononcer sur la qualité de la série, mais un élément point. Si The Last of Us piochait des éléments cinématographiques pour les inclure dans un jeu vidéo, la série n'est que cela : une série. Aussi excellente puisse-t-elle être, sauf immense bouleversement, elle ne pourra pas créer le même genre d'émotion que le jeu vidéo avait pu procurer. Et procurera encore, assurément.
Ce qui prouve, à la fois la grandeur de la franchise vidéoludique The Last of Us, et la particularité qui pourrait, enfin, décider les critiques à considérer le jeu vidéo comme un art à part entière.