En termes d'édition, l'événement de ce mois de mars 2023, c'est la sortie du tome 37 de Hunter x Hunter. Loin du commun des shônen, l'œuvre de Yoshihiro Togashi représente une œuvre dense, exigeante, et d'une excellence toujours renouvelée. Pour qui n'a pas abandonné en cours de route le meilleur manga qui n'aura jamais de fin.
Seulement le tome 37 pour Hunter x Hunter, lancé il y a 25 ans
Nous sommes en mars 1998. La France n'a pas encore connu les joies de remporter une Coupe du Monde de foot ; One Piece a été lancé quelques mois auparavant ; Shaman King va être prépublié dans quelques mois ; Naruto, pour sa part, attendra l'année suivante.
C'est à ce moment que le premier chapitre de Hunter x Hunter est publié dans l'hebdomadaire référence du manga au Japon, le Weekly Shônen Jump. Étonnant à quel point, dès ses prémisses, ce manga est atypique. Cela, il le doit à Yoshihiro Togashi, et au respect que celui-ci intime aux éditeurs.
Contrairement à l'immense production de manga, l'auteur a décidé de gérer seul la publication de Hunter x Hunter. Aucun assistant n'est là pour le seconder, ce qui va à l'encontre des habitudes dans le secteur.
Il faut dire que le mangaka a pour lui un précédent succès : Yu Yu Hakusho, considéré auparavant comme l'héritier direct de l'illustre Dragon Ball. Une série arrêtée abruptement, sans réelle fin, pour cause de fatigue ressentie par l'auteur. Un mauvais présage ?
Exactement un quart de siècle plus tard, le monde a continué de tourner. One Piece, pour sa part, en est à 103 tomes parus, et attaque doucement sa dernière ligne droite. Shaman King s'est arrêté après 32 tomes en 2004, et a bénéficié de résurrections ponctuelles. La fin de Naruto, en 2014 au bout de 72 volumes, a cédé la place à Boruto.
Hunter x Hunter n'en est qu'à 37 volumes. Un nombre atypique pour un manga qui fête ses 25 ans. À la fois inespéré, déprimant, mais surtout : à célébrer.
Pourquoi en un quart de siècle, Hunter x Hunter fait partie du panthéon du manga ?
Sur les premiers volumes, rien ne distingue véritablement Hunter x Hunter du reste des shônen. Il conte l'histoire d'un jeune garçon, Gon, partant à la recherche de son père. Pour cela, il lui faudra marcher sur ses traces, et devenir lui-même Hunter : l'un de ces professionnels dans un secteur d'expertise, maîtrisant des capacités particulières.
Dès le tome 5, et l'arc de la Tour Céleste, le concept fondateur du nen est introduit. Cette aura, divisée en six types selon les utilisateurs, permet de justifier chaque pouvoir faisant son apparition dans le reste du manga. Et c'est bigrement complexe. De là à se reposer sur un manga purement ancré dans les combats ?
Loin s'en faut. L'immense force de Hunter x Hunter, c'est de perpétuellement se renouveler, d'arc en arc. Gon n'est pas toujours lui-même le personnage central. Ce rôle se répartit avec ses compagnons, Kirua et Kurapika, et selon les périodes, les genres abordés changent. Le manga est en perpétuelle évolution, s'ancrant ici dans notre quotidien, là dans des événements de pop-culure.
Thriller, jeu vidéo, jeu de cartes, mafia, arts martiaux, écologie, politique, exploration, aventure, philosophie ; touche-à-tout, Hunter x Hunter n'est jamais là où on l'y attend. Il n'est pas rare, même, de voir une pointe d'émotion, à l'occasion d'un développement abrupt de l'histoire.
Constamment brillant, complexe (parfois à s'en tirer les cheveux), Hunter x Hunter est l'un des mangas les plus marquants de sa génération. Bien plus mature dans ses thématiques, et économe en combats qui durent cinq tomes pour un dénouement attendu (hein, One Piece), il tranche franchement par rapport à la production contemporaine.
Hunter x Hunter ne se terminera jamais (et il n'en a pas envie)
Des qualités, une capacité de réflexion hors normes, des arcs mémorables : Hunter x Hunter est un manga d'exception. Qui, probablement, ne connaîtra jamais de fin parfaitement accomplie. Et qui l'a même refusée, au moins une fois, de manière signifiante.
Maman j'ai encore raté la fin
Pour tout vous avouer, cela fait depuis 2003 que je lis Hunter x Hunter. À l'époque, j'en consommais, des mangas, dont ceux précités. Après une période d'indifférence totale durant une dizaine d'années, l'œuvre de Yoshihiro Togashi est la seule qui m'a laissé un souvenir suffisamment fort pour y retourner. Lointaine est l'époque où je fréquentais assidûment les forums de MangaKana.
Néanmoins, entre-temps, jamais Hunter x Hunter n'a baissé côté qualité. Certains arcs peuvent rebuter au premier abord ; ce fut le cas des fourmis Kimera, par exemple. Pourtant, en y revenant, on y trouve aisément de nouveaux leviers de réflexion, des points d'intérêt qui méritent d'être approfondis.
Sans spoiler, le chapitre 338, publié dans le tome 32, aurait fourni une fin absolument logique au manga. Les enjeux étaient respectés, l'objectif plus ou moins atteint : le périple, tel qu'annoncé, s'achevait. Et pourtant, Togashi a relancé les dés d'une manière imprévue. Comme d'accoutumée, finalement.
Aujourd'hui, quelques jours après la sortie du tome 37, attendu depuis 4 ans, on sait que jamais Hunter x Hunter n'aura de véritable fin. Seulement trois chapitres du volume 38 sont parus, et le mangaka est à nouveau en pause. Pire : cette fois, la série a été archivée dans le Weekly Shônen Jump. Arrêt de série, ou transfert vers un autre périodique ?
Des promesses, des souvenirs, et puis s'en va : le destin de Hunter x Hunter
Quoi qu'il en soit, ce nouvel arc, qui devrait être plus conséquent que le reste du manga déjà publié, incite à la fatalité. Jamais ce chef-d’œuvre du manga ne trouvera son terme. C'est à cause, et grâce, à Togashi lui-même : son immense culture, ses intérêts trop variés, sa volonté d'aborder plein de sujets à la fois.
Le dernier arc en est la preuve. La lutte de succession des princes, pendant un voyage qui doit durer 2 mois, n'en est qu'à 2 semaines dans le manga. Pour 3 volumes parus.
Entre temps, l'arc a abordé la question de la mafia, des bêtes de nen, mis en scène un combat d'exception entre deux protagonistes parmi les plus puissants du manga... Rien de superflu, mais comme souvent : seul Togashi connaît le déroulement de la suite du manga. Imprévisible, on vous dit.
Si le regretté Kentarô Miura verra Berserk lui survivre, rien n'est moins sûr pour Hunter x Hunter. Là encore, c'est l'un des avantages et défauts du pari de Togashi. Mener un manga entièrement seul, sans aucune aide extérieure. L'espoir subsiste qu'il reprenne le fil de sa création, mais...
Qu'importe. Il restera toujours des arcs parmi les plus mémorables du manga moderne, pour qui sait s'immerger dans un univers qui ne cède en rien à la facilité. Loin s'en faut.