Lorsqu'on mentionne les remakes, celui de Final Fantasy VII est une sorte de cas d'école. Depuis longtemps annoncée, cette nouvelle version à attiser la convoitise de nombreux joueurs souhaitant revenir dans un monde fantasmé et emblématique du jeu de rôle au tour par tour. Plus de deux décennies après la première version, que nous révèle le test de Final Fantasy VII Remake ?
Le poids de la légende enfin racontée
Cloud Strife, mercenaire et ancien SOLDAT, monnaye ses services auprès du groupe militant Avalanche. Accompagné de ces rebelles au demeurant fort sympathiques, il vise à faire plier la Shinra, entreprise toute-puissante dans la ville de Midgard.
Malheureusement, cette corporation semble toujours avoir deux coups d'avance sur eux. Et il semblerait même que les actions d'Avalanche servent la stratégie de la Shinra. Comment s'en dépêtrer ?
Ce n'est pas comme Cloud pouvait être tout à fait fiable. En dépit de son amie d'enfance Tifa, de la rencontre avec Aerith, ou encore de la fougue de Jessie, rien ne semble canaliser notre héros. Son esprit semble percevoir une réalité alternative, souvent plus tragique.
Sans même mentionner Sephiroth, le légendaire héros, qui apparaît ponctuellement et sème davantage encore le trouble dans l'esprit de l'ancien SOLDAT. Ces troubles sont-ils normaux, ou empêcheront-ils Cloud d'aider durablement ses amis... voire de les sauver, le cas échéant ?
Conditions de test
Le jeu a été testé sur PS5, grâce à la mise à niveau gratuite dont bénéficie le jeu PS4. Les graphismes sont léchés, améliorés par rapport à la version originelle ; en revanche, l'utilisation de la DualSense est aux abonnés absents. Le test a été effectué depuis une version commerciale.
C'est une bonne idée, de faire un remake de Final Fantasy VII ?
Ah ça, c'est peu dire qu'on l'aura attendu celui-là. C'est bien simple : depuis la sortie de la Playstation 2, il ne s'écoule pas une seule génération sans qu'un remake de Final Fantasy VII soit cité. Jusqu'à faire l'objet d'un trailer assez éhonté pour promouvoir la Playstation 3 en 2006.
Les années ont fait leur office, et le pedigree de la saga phare de Square Enix s'en est vu largement entaché. Après la triplette Final Fantasy XIII, et surtout le quinzième épisode, c'est simple : on ne pense plus à Final Fantasy comme référence du jeu vidéo.
Il est loin, les standards imposés par la franchise, du septième épisode au dixième (et encore, pour ce dernier). Conscient du souci, l'éditeur japonais a alors tout misé sur ce fameux remake, de l'un des épisodes les plus appréciés, du moins le plus emblématique, de la saga Final Fantasy.
L'autre souci, c'est que du fait de sa notoriété, Final Fantasy VII est aussi le plus spoilé. Aerith, Cloud, Sephiroth : rares sont les joueurs un peu curieux à ne pas connaître leur passé ou devenir. Aussi, faire un remake de ce jeu acclamé était d'autant plus complexe.
Contre toute attente, Square Enix, tel un Jean-Claude Vandamme des grands soirs, est également aware de ce fait. En même temps, lorsqu'on joue son va-tout, autant bien faire les choses. Mission accomplie pour ce remake ?
Soldat, arpentez le couloir droit, puis le gauche !
Votre humble serviteur, servant présentement de rédacteur de ce test de Final Fantasy VII, n'avait plus mis les mains sur un opus de la saga depuis l'épisode XIII-3. Celui-là lui était tombé des mains à mi-parcours. Et ce n'est rien par rapport au XV, très vite abandonné devant la vacuité du propos.
Le choc n'en est que plus important lorsqu'on se confronte à la structure très obsolète de ce remake. C'est simple : si vous éprouvez des envies de liberté, vous n'êtes pas au bon endroit. Loin des propositions de RPG plus modernes, Elden Ring ou The Witcher III en tête, Final Fantasy VII Remake est incroyablement linéaire.
Les couloirs s'accumulent, et les phases un brin ouvertes sont trop vite limitées par le scénario. Au gré des évolutions du scénario, on aura tôt fait de percevoir l'envie de Square Enix. Faire durer le plaisir, à tout prix, pour ce qui constituait naguère les 8 premières heures d'un jeu en faisant 40. En ligne très très droite, hein.
C'est sans même compter sur la vitesse des personnages. Si Cloud peut courir, trop souvent il se retrouvera contraint à une marche forcée. C'est particulièrement évident dans les phases avec des points d'investigation.
On pourra rapprocher ça du thème du jeu, pour sauver l'ensemble. Après tout, ces personnages sont en quête de liberté, oppressés qu'ils sont par le joug de la Shinra. Mais bon, tous ces couloirs, ça fait mauvais genre.
L'impression est évidente que le jeu a subi un développement compliqué, et sur plusieurs générations de consoles. Une fois cet aspect assimilé, le jeu peut être véritablement découvert.
Un univers complexe, reconstitué avec brio, ou presque
Il suffit d'un aperçu de Midgard pour s'en faire la réflexion : Final Fantasy VII Remake réussit le pari de retranscrire les environnements issus de la Playstation dans des décors en temps réel. Ce n'était pas chose évidente, tant la complexité structurelle de Midgard était complexe.
Imaginez plutôt : une cité tentaculaire, répartie sur plusieurs secteurs, le tout couvert par une partie supérieure. Le ciel n'est que très peu visible, apportant toutefois une luminosité bienvenue dans les phases de jour.
En dépit de son âge, relativement avancé aujourd'hui, Final Fantasy VII Remake reste particulièrement satisfaisant sur le plan graphique. Hormis les PNJ, souvent génériques, tout respire la vie. Les dialogues de la population reflètent les actions d'Avalanche, ou les avancées scénaristiques, et jamais le joueur n'a l'impression d'avancer seul. L'histoire est en branle, et la joyeuse troupe l'accompagne par ses actions.
C'est beau, donc, mais c'est surtout très austère. On a déjà mentionné ici les couloirs, il faut aussi évoquer les donjons, qui ne lassent pas de diriger le joueur au gré d'énigmes parfaitement redondantes. Le tout aurait tendance à lasser, voire exaspérer, devant cette évidente volonté de Square Enix d'à tout prix rallonger la durée de vie.
Le pire, c'est que les environnements, pour différents qu'ils soient, sont sans cesse mornes, mécaniques et industriels. C'est là l'un des aspects de Midgard, certes ; mais passer quarante heures dans ces décors aura tendance à désespérer plutôt qu'à inciter à y retourner.
Heureusement, l'emphase portée sur les relations entre personnages permet à Final Fantasy VII Remake de s'illustrer positivement.
Cloud et son harem n'enlèvent rien à l'affection qu'on porte aux personnages
Porter un passage d'une dizaine d'heures sur une durée de près de quarante heures, cela nécessite quelques sacrifices. Ou plutôt quelques ajouts, dont, indéniablement, les relations entre personnages se trouvent être la clé de voûte.
Si Cloud Strife est le personnage principal de Final Fantasy VII Remake, sans contestation possible, d'autres éléments s'illustrent parfaitement au sein de ce foisonnant prologue. De Wedge à Biggs, en passant par Barret, cette nouvelle version respecte les différents caractères de protagonistes aperçus dans la mouture originelle.
Toutefois, c'est bel et bien la gente féminine qui se voit plus que jamais au centre des débats. Entre la douceur déterminée de Tifa, les plaisanteries de Aerith et le caractère affirmé de Jessie, Cloud est bien entouré, c'est un fait. Trop bien entouré ? Peut-être, tant ces drôles de dames n'ont d'autres perspectives qu'entourer le mystérieux membre du SOLDAT.
C'est un peu dommage, quand on voit combien sont remisés Wedge et Biggs, par exemple. Véritables caricatures, à peine esquissés, les hommes ne tirent jamais leur épingle du jeu. Quant aux femmes, elles n'ont d'yeux que pour Cloud.
Cependant, cela n'empêche pas l'alchimie du groupe de fonctionner. On se surprendra plus d'une fois à sourire à certaines répliques, voire, à terme, à trouver Barret attachant, et cela en dépit de son ton décidément bourrin.
Contre toute attente, ce remake de Final Fantasy VII parvient à rétablir l'osmose et la synergie du groupe de rebelles. Heureusement, tant il faudra compter sur une bonne entente pour surpasser les combats au cœur du jeu.
Des combats dynamiques, peu aidés par la caméra brouillonne
En creux, le rythme de Final Fantasy VII Remake n'est pas très bien maîtrisé. Sur quatorze chapitres s'agencent phases d'expositions, donjons, quêtes secondaires, cinématiques et énigmes. Tout cela est assez étrangement réparti, mû notamment par la volonté de Square Enix d'étirer son propos afin de proposer un jeu consistant dans sa durée.
Heureusement, le tout est chapeauté par des combats de très belle facture. Si le jeu oublie les confrontations au tour par tour d'antan, il lorgne plutôt sur des affrontements rappelant fortement ceux de Kingdom Hearts... en réussi.
Les combats sont dynamiques, et tirent tout profit des trois combattants composant le groupe. Par ailleurs, une grande liberté est laissée aux joueurs afin d'optimiser chaque protagoniste. On souhaite faire de Barret, le bourrin de service, un mage blanc ? De Tifa une saboteuse ? Ou de Cloud un expert en magie ? Il n'y aura aucun problème pour cela.
Seule Aerith semble un peu spécialisée, quoi qu'il en coûte, au rang de mage. Néanmoins, en agençant équipement, capacités spéciales, et matérias à équiper, Final Fantasy VII Remake parvient à maintenir un challenge constant au niveau de ses affrontements.
En tirant le meilleur de ce qu'a offert, en termes de dynamisme, l'expérience de Square Enix toutes licences confondues, cette resucée d'un épisode légendaire parvient à s'inscrire dans une modernité fort à-propos. Une très belle réussite de la part des développeurs, seulement ternie par une caméra un peu bancale lorsqu'il y a plusieurs ennemis.
La fantaisie finale, septième acte, première scène, en attendant la suite
Le principal défaut du titre de Square Enix, c'est son principe même. Alors que la partie dans Midgard ne dure qu'une dizaine d'heures dans le jeu originel, elle prend ici quarante heures à peu près. Et s'arrête aussi net, sans date claire pour la seconde partie. Et la troisième, puisque désormais, on sait qu'il s'agira d'une trilogie.
En dépit de ce problème, ô combien conséquent, Final Fantasy VII Remake est une réussite inespérée. Réagencer ce qui est considéré comme un chef-d’œuvre du jeu vidéo n'était pas chose aisée, et la réception, majoritairement positive, de la presse et des joueurs, est un petit miracle en soi.
Surtout, cette nouvelle version présente de nouveaux segments et détournements qui l'orientent également auprès de joueurs ayant fini l'opus originel. Dans son propos, ses modifications vis-à-vis de Final Fantasy VII, ce remake se pose comme une proposition à la mesure de Matrix Resurrections.
Le discours tenu frôle le méta, et surfe sur les attentes des joueurs. Sans trop en dire, il parvient à innover, ainsi qu'à capter l'attention en intriguant.
Que l'on ne s'y trompe pas toutefois : le jeu est très loin d'être parfait. Son aspect dirigiste, les fautes de goût évidentes concernant le rythme du jeu, ou encore son gameplay un peu daté pourront dissuader les joueurs d'y prêter la main.
Ce serait dommage, tant la légende du J-RPG a encore de beaux moments à offrir. En attendant bien sûr notre test du contenu additionnel Intergrade, qui devrait arriver sous peu.