Le test de Scars Above permet de se questionner sur l'immense proposition en matière de jeux vidéo, qui entrave évidemment certaines productions plus modestes et pourtant loin d'être dénué d'intérêt. Recommande-t-on de passer une dizaine d'heures avec la scientifique Kate Ward ? Réponse à travers cette critique du jeu de Mad Head Games.
Le pitch de poche du jeu vidéo Scars Above
Dans un futur plus ou moins proche, notre bonne vieille planète bleue est en danger. Un objet extraterrestre, baptisé le Métahédron, stationne dans son espace proche, sans qu'aucun message n'ait été émis pour préciser les intentions de ses habitants. Si habitant il y a ?
Pour savoir de quoi il en retourne, les autorités terrestres envoient quatre astronautes en reconnaissance à bord d'une navette, le Hermes. À l'approche du Métahédron, alors que celui-ci semble s'animer, l'une des scientifiques, Kate Ward, s'évanouit...
Avant de se réveiller, seule, sur une planète inconnue, mais à l'atmosphère respirable. Guidée par une mystérieuse entité, la jeune femme perçoit une menace imminente qui paraît maîtriser les éléments. Heureusement, Kate Ward n'est pas uniquement pourvue d'un intellect hors-norme, elle fait montre d'une maîtrise des armes impressionnante.
Une obligation, finalement, pour tout scientifique de jeu vidéo. Hein Gordon Freeman ? Nonobstant, les dangers pullulent sur cette planète. Il faudra bien de l'abnégation à notre héroïne pour espérer retrouver ses compagnons terrestres. Et, ce faisant, peut-être dévoiler le mystère tapi dans l'hostilité de cette planète aride.
Première exploration de l'espace vidéoludique pour Mad Head Games
Sorti en mars 2023, Scars Above a été quelque peu occulté par la prolifique actualité du jeu vidéo à ce moment. Difficile de se placer entre les remakes de Dead Space et Resident Evil 4 lorsqu'on ne dispose pas d'un budget illimité. Pourtant, le jeu a réussi à attirer le regard des amateurs d'atmosphères élaborées de science-fiction.
Le studio en charge, Mad Head Games, fait partie depuis 2020 de la galaxie Embracer. Cet apport lui a permis de concevoir un jeu à l'ambition revendiquée, tout en s'appuyant sur ces concepts bien connus par le public pour faire valoir son propos. Une affirmation à nuancer.
En dépit de 130 collaborateurs répartis entre la Serbie et la Bosnie-Herzègovine, Mad Head Games ne dispose pas des moyens inhérents aux productions les plus conséquentes paraissant sur les dernières consoles.
Ne vous attendez donc pas à un triple A extrêmement chiadé. Scars Above interpelle certes par une direction artistique soignée, mais laisse vite la place à un léger sentiment de désillusion. C'est loin d'être aussi beau que d'autres productions récentes. Qu'importe ; l'essentiel est que le jeu soit plaisant à parcourir.
C'est tout le but de ce test de Scars Above que de savoir si cette pérégrination extraterrestre vaut le coup.
Returnal, Dark Souls et Prometheus sont sur un bateau
Dès ses premières images, Scars Above forçait la comparaison avec un autre jeu, assez récent : Returnal. Le titre de Mad Head Games partage de nombreux points communs avec le jeu de Housemarque, en particulier une direction artistique dans les teintes bleues et vertes, faisant la part belle à l'exploration d'une mystérieuse planète extraterrestre.
Les dénominateurs communs ne se limitent pas à cela. Très tôt, Kate Ward pourra bénéficier d'une réduction de temps lors du rechargement des armes en appuyant avec le bon timing sur une touche donnée. De plus, bon nombre d'éléments pourraient établir la scientifique comme une narratrice peu fiable, à l'instar de Selene durant ses aventures de 2021.
Cela dit, il serait erroné de considérer Scars Above comme un simple ersatz de Returnal. Le jeu de Mad Head Games change de paradigme au regard du gameplay, adoptant plutôt les codes des soulslike linéaires, érigés par la fameuse licence de FromSoftware, Dark Souls.
La mort est ainsi intégrée de manière diégétique. À chaque trépas, notre héroïne réapparaîtra auprès de piliers. Ceux-ci redonnent vie et munitions à Kate Ward ; dans le même temps, chaque contact avec ces monolithes ressuscitera les ennemis vaincus.
En termes d'ambiance, Scars Above ravive le souvenir de Tomb Raider pour son héroïne et sa progression linéaire, mais également The Callisto Protocol pour les environnements corrompus présents dans le dernier tiers. Au bon souvenir de Scorn, également, avec lequel il partage une influence commune.
Melting pot d'influences, Scars Above n'oublie pas de citer l'un des derniers volets d'une licence de science-fiction respectée. De son histoire jusqu'à son esthétique, aride, puis citant ouvertement HR Giger, bon nombre d'éléments tissent un lien entre le jeu qui nous intéresse avec la dernière itération en date de la franchise Alien, Prometheus.
Scars Above tombe à l'eau
Ambitieuse dans ses influences, Scars Above n'a malheureusement pas les moyens de ses prétentions. Très tôt, un manque de finition criant apparaît. Si certains de ses éléments sont tout à fait excusables, d'autres en revanche demeurent particulièrement étonnants et enlèvent de la cohérence à l'ensemble.
En termes de mise en scène, des problèmes évidents apparaissent. Des ellipses et faux raccords surviennent entre une cutscene ou cinématique et des phases jouées. Il ne sera pas rare qu'un personnage présenté disparaisse alors, que l'héroïne soit transportée dans une autre zone, ou que des lieux se ferment sans raison évidente.
Et encore, on ne citera pas les dialogues que récitent les personnages sans que jamais leurs lèvres ne bougent. Quelque chose que même FIFA et Pro Evolution Soccer incluaient à la fin de l'ère PS2.
Par ailleurs, le système de progression se fait par l'acquisition de connaissances sur la planète. L'analyse d'ennemis, l'étude de la flore, ou l'obtention de cubes violets de connaissances permet de gagner des points de compétence. Ces derniers, les cubes, sont à retrouver au gré de l'exploration des environnements.
Loin d'embra(c)er la mode des open-world, ce dont on lui sait gré, Scars Above préfère un cheminement linéaire, marqué par différentes possibilités de chemins parfois. Le problème est que son level-design peut se révéler tortueux. Loin, finalement, de l'évidence en la matière pronée par la licence de FromSoftware. On n'excusera ainsi pas totalement l'absence, surprenante, de carte.
Des combats prenants mais imprécis dans leurs mécaniques
Jeu d'exploration bridé, Scars Above inclut également des affrontements dans la tradition des souslike. L'influence de Dark Souls se faisant également sentir ici, il vous faudra faire preuve d'astuce et de résilience pour surmonter les obstacles faisant face à Kate Ward.
La scientifique, étonnamment compétente au niveau des combats, effectue ces derniers grâce à trois éléments à bien appréhender. Dotée d'une machette électrique pour le corps à corps, l'héroïne de Kate Ward possède également une unique arme à feu. Heureusement, celle-ci possède quatre modules élémentaires, à découvrir pour annihiler les ennemis vulnérables à l'électricité, au feu, à l'acide ou à la glace.
Afin de mieux appréhender les affrontements, des gadgets sont également utilisables. Ceux-ci se rechargent par le biais de filaments trouvés au gré de la progression, ou en consommant la batterie possédée par Kate.
Prenant les contours d'un TPS pour ces oppositions, Scars Above mélange le tout avec un système de vulnérabilités élémentaires pour des affrontements, parfois tendus, mais pouvant être optimisés. Loin d'être exempt de reproche, cette mécanique peut se révéler assez imprécise au niveau des effets des vulnérabilités sur les ennemis sensibles.
De plus, le temps de latence entre le choix d'une arme et d'un gadget est un véritable impair, particulièrement frustrant. Ainsi que, soulignons-le, l'impossibilité de reconfigurer les touches, peu judicieusement établies pour l'esquive en l'absence de lock.
Cependant, les affrontements, particulièrement avec les boss, se révèlent véritablement grisants. Il vous faudra trouver les bonnes mécaniques pour vous défaire de ces ennemis. À mi-chemin entre des combats de boss façon soulslike, et d'autres tirant profit de l'environnement, il s'agit de temps forts de l'aventure.
Quelle difficulté pour Scars Above ?
Si d'emblée, le curseur de difficulté indique le niveau le plus simple, on ne saurait que trop vous recommander le second curseur. Les affrontements seront plus tendus, légitimant l'ambiance de dernier souffle d'un monde qui enrobe Scars Above.
Scars Above baigne dans l'ombre créée par sa propre lumière
C'est là tout le paradoxe de Scars Above. Pour tout élément positif, voire réjouissant, le jeu de Mad Head Games est entaché par des contresens de gameplay ou un manque de finition surprenant.
On se demande, dès lors, si une phase de béta test a eu lieu, tant certains errements apparaissent aisément remédiables. Ces ellipses, faux raccords et absences de synchronisation labiales ne constituent que la partie émergée de l'iceberg. Trop souvent, le jeu se perd dans des soucis d'ergonomie qui entravent à une expérience pleine et optimale.
Il suffit de voir la première heure de jeu, laborieuse pour le moins, montrant des mécaniques de crafting immédiatement abandonnées par la suite. De même, les trois premiers chapitres ne trouvent grâce qu'à la faveur de leurs boss. C'est véritablement dans le dernier tiers que l'identité de Scars Above émerge.
Récit prenant de bonne science-fiction, forcément sous influences, Scars Above réjouit mais ne parvient pas à vraiment casser le plafond de verre que semble représenter son budget moindre par rapport à d'autres ténors du marché. Reste cependant un jeu finalement attachant, plombé par un manque de finition assez handicapant, ainsi que par des environnements très ternes initialement.
Pour toute lumière, il existe une ombre. Trop souvent, les ambitions de Scars Above, lumineuses, piègent le titre dans des ténèbres insoupçonnées. On espère foncièrement que Mad Head Games tire parti des soucis d'ergonomie et d'équilibre vus dans ce jeu. La suite de ce studio de développement ne devrait qu'en être plus radieuse.