Après près de deux décennies, Psychonauts revient enfin sur consoles et PC. Suite directe de l'opus VR, Rhombus of Ruins, le second volet prolonge l'univers loufoque de cette licence. Toujours sous la houlette de Tim Schaffer, tête pensante de Double Fine Productions, Psychonauts 2 évite-t-il la redite par rapport à son illustre aîné ? Réponse à travers notre test dédié.
De quoi ça parle, Psychonauts 2 ?
Après avoir sauvé le camp de vacances du Roc qui Murmure, et le Président des Psychonautes, Razputin arrive dans le QG de l'organisation. Ses péripéties sont loin d'être terminées ; s'il est toujours protégé par ses mentors, Milla et Sasha, une menace semble planer sur lui. À dire vrai, sur tous les Psychonautes, mais plus particulièrement sur les têtes des membres de sa famille.
Une taupe est dans le QG, et il va falloir la débusquer. Pour cela, Raz va enfiler ses plus belles lunettes, essayer de se débarrasser des stagiaires Psychonautes, et utiliser ses pouvoirs psy. Ça ne va pas être une partie de plaisir, mais au moins, on va bien rigoler.
Petit miracle de l'édition : Psychonauts a bien une suite sur PS4, PC, Xbox One et Series X
Faut-il vraiment revenir sur le premier Psychonauts, et le petit miracle que constitue la sortie de sa suite, Psychonauts 2, sur les consoles les plus récentes ?
Sorti en 2005, en fin de génération pour les consoles PS2 et Xbox, le premier opus s'était attribué une estime indéniable auprès des joueurs ayant pu s'y adonner, et de la critique. Et malheureusement, c'était à peu près tout.
Le jeu est communément considéré comme un échec commercial, en première instance du moins. Premier jeu du studio Double Fine Productions, créé par des anciens de LucasArts, reconnu pour la qualité de ses point n'clicks, Psychonauts était un jeu de plateforme et d'aventure en 3D, constellé de personnages attachants, avec un concept assez unique.
Chaque niveau se situait dans l'esprit d'un des protagonistes, dévoilant leurs pensées les plus profondes, voire celles qu'ils refluent au fin fond de leur cerveau. Sur fond d'enquête pour découvrir qui subtilisait les cerveaux des jeunes protégés du camp de vacances pour apprentis Psychonautes.
Heureusement, au gré des rééditions sur supports plus modernes, notamment les plateformes digitalisées de Steam, du Playstation Store ou du Xbox Live, Psychonauts s'est fait connaître par un plus grand nombre de personnes. Au point d'atteindre le statut de jeu culte, bien aidé par la folie de niveaux particuliers, comme la fameuse Conspiration du Laitier.
Près de deux décennies plus tard, voici donc Psychonauts 2 qui débarque. Pour un résultat dans la droite lignée du premier ; est-ce un mal ou un bien ?
Une direction artistique toujours aussi maîtrisée
De prime abord, manette en main, les vieux de la vieille ne seront pas dépaysés ; le parti pris graphique de Psychonauts premier du nom est bel et bien présent. Sa direction artistique, rappelant le souvenir des productions de dessins animés des années 90, tels que Hey Arnold ou La Famille Delajungle, se rappelle à leur bon souvenir.
Force est de constater toutefois que les consoles current-gen sont bien exploitées ; les décors fourmillent de détails ; tout est, pour peu que l'on s'immerge dans cet univers, beau. Par ailleurs, la formule ne change pas tant ; chaque véritable niveau de Psychonauts 2 se joue dans l'esprit d'un des personnages. Et, comme auparavant, chacun est doté de son propre univers mental, à découvrir.
À cet égard, la seconde moitié de l'aventure, constituée essentiellement d'un enchaînement de niveaux, est plus plaisante à parcourir. Les niveaux se révèlent artistiquement plus enlevés, originaux, ou attestent de thématiques plus subtiles et profondes que de prime abord.
En règle générale, le centre Psychonautique et ses lieux attenants font figure de hub central au jeu. Ici se rencontrent les différents personnages qui composeront l'aventure, et se résoudront les quelques énigmes essentielles. À ce titre, le roster de Psychonauts 2 est renouvelé, à l'exception de quelques personnages du premier, et pas nécessairement les plus emblématiques.
Ce qui fait figure, il faut le dire, de petit poil à gratter du jeu. Raz a, dans les faits, vieilli de quelques jours ; pourtant, deux décennies se sont bel et bien passées au niveau du ton du jeu, plus mature, et moins fou qu'auparavant. Moins drôle aussi ? C'est ce qu'on va voir.
L'humour omniprésent, qui a ses limites (personnages qui disparaissent, relève pas assurée)
Psychonauts se distinguait par deux biais ; ses personnages, tout d'abord, et particulièrement les enfants présents dans le camp de vacances psychonautiques. Chaque phase d'exploration au Roc qui Murmure permettait d'en savoir plus sur leurs relations, leurs inimités, et leurs bizarreries. Gros coup de cœur pour Dogen, ou le groupe de rock, ou le panneau d'annonces, par exemple.
Les niveaux, également, étaient dotés, outre une esthétique spécifique, d'un gameplay particulier. Chacun permettait d'aborder avec humour et enthousiasme les obstacles rencontrés par Razputin. On se rappelle d'une bataille de monstres colossaux, ou d'un affrontement stratégique de figurines, entre autres choses.
Or, Psychonauts 2 révise presque entièrement son roster. Exit, les enfants du Roc-Qui-Murmure ; bienvenue à des personnages plus âgés, moins fous et fantasques que par le passé.
De base, l'histoire se prend bien plus au sérieux que par le passé. Si certains passages un peu absurdes demeurent, et que quelques lignes de dialogue peuvent prêter à sourire, jamais le jeu ne marque par une repartie, ou des relations dont on observe l'évolution, passée la moitié du jeu.
Qu'il s'agisse de la famille de Raz, ou des stagiaires Psychonautes, aucun ne vaut, par exemple, un Dogen. Ce personnage, meurtrier mais si attachant, représente l'écart entre les deux jeux, puisqu'il trouve un point de comparaison avec sa sœur, très convenue ici, et pourtant l'un des protagonistes les plus mémorables du titre.
Et, le pire là-dedans ? Même Ford Crueller, le déjanté maître Psychonaute, devient ici bien trop sérieux et dramatique.
Un sentiment de déjà-vu, et déjà obsolète : Psychobsolescence programmée
Est-ce que Psychonauts 2 est une bonne suite au premier jeu, culte pour beaucoup ? Indéniablement, oui. Et pourtant, c'est justement là où le bât blesse.
Jamais l'ambition du jeu de Double Fine Productions ne semble être de surpasser l'original, ou de proposer quelque chose d'inédit. Au lieu de cela, il se contente de raviver la formule éculée du premier jeu.
Une fois le prologue passé, et l'accès à des lieux plus vastes obtenu, on a la rude sensation de remettre les pieds au Roc Qui Murmure. La Forêt Aberrante ne tranche pas radicalement avec le lieu abritant le premier Psychonauts, aussi bien d'un point de vue esthétique que du level-design.
Concernant les mécaniques de gameplay, le constat est plus mitigé. Oui, Psychonauts 2 a amélioré son aspect plateforme. Rares sont les sauts qui finissent mal, et tout semble être fait pour améliorer la formule du premier jeu. Néanmoins, il en va tout autrement des séquences de combat.
Chaque adversaire implique un pouvoir précis à utiliser ; au gré des affrontements, les combinaisons de capacités à alterner vont bon train, et il n'est pas rare d'en changer en plein milieu. En dépit des avancées indéniables réalisées en la matière en l'espace de deux décennies, Psychonauts 2 et son système de combat paraissent désuets.
Le système de ciblage est assez mal fichu ; jamais les combats, nombreux, ne cèdent le pas à un sentiment de gratification à leur issue. Davantage à avoir survécu à une confrontation bordélique.
Il s'agit là d'un des plus grands maux dont souffre Psychonauts 2 : considérer que le joueur souhaite la même chose qu'auparavant, et ne jamais révolutionner sa formule.
Psychonauts 2 : un ensemble plus convenu et moins fou que par le passé
Pire même, certains points forts du premier jeu ont été entièrement revus. C'est le cas, par exemple, de certains niveaux thématiques, impliquant un profond changement de gameplay.
Psychonauts premier du nom abritait des phases avec jeux de stratégie militaire, ou des combats de kaiju où l'on incarnait le monstre énorme. Des niveaux qui, près de 20 ans plus tard, se rappellent immédiatement au souvenir de tout joueur ayant pu finir le jeu.
Jamais Psychonauts 2 ne déroge à sa règle de platformer 3D. Non pas qu'il soit mauvais, il est même très bon, extrêmement plaisant à parcourir, et fait souvent sourire. Il reste toutefois prisonnier d'une formule éculée, qui n'abonde jamais en bizarrerie et absurdité, comme son aîné se le permettait.
À cet égard, Psychonauts 2 fait penser à un adulte qui a délaissé la fantaisie de ses premières années. Une folie cadenassée, pour faire place à des problématiques, subtilement abordées, telles que l'alcoolisme, par exemple.
À cet égard, de mémoire de joueur, la nouvelle production est la première œuvre grand public qui inclut deux hommes homosexuels. Il peut y en avoir d'autres, mais jusqu'à présent, le rédacteur de ces lignes n'avait pu apercevoir que des couples lesbiens dans le secteur vidéoludique.
Nostalgie et révisionnisme ; sourire et petit sentiment de régression ; améliorations et retraits. Autant d'éléments qui forment un constat unique. Psychonauts 2 est le digne successeur de son aîné. Il constitue cependant une petite déception pour qui s'attendait à plus. Plus de folie, plus de dialogues absurdes, plus, en fait, de ce qui avait fait le caractère unique du premier jeu.
Psychonauts 2 est un bon jeu, un excellent platformer, mais, étrangement, un mauvais Psychonauts. À tel point, malheureusement, qu'on n'en espère pas forcément un troisième volet à son issue.