Après les remakes du premier et second opus, Capcom comptait bien finir de revisiter la première trilogie Resident Evil. Avance ainsi Resident Evil 3 Remake, qui marque le retour de son plébiscité antagoniste, le Nemesis. Le jeu en vaut-il la chandelle, après un Resident Evil 2 Remake de gala ? Rien n'est moins sûr.
Le pitch de poche de Resident Evil 3
Après les événements du Manoir Spencer, Jill Valentine fait partie des rares survivants. La jeune policière de Raccoon City a été renvoyée, après avoir rédigé un rapport à charge contre Umbrella. Elle vit des jours passablement compliqués, isolée dans son appartement, avant de pouvoir, d'ici quelques heures, partir de cette ville maudite.
C'était sans compter sur l'infection des citoyens de Raccoon City. Transformés en zombies, ils font du centre-ville un véritable enfer, au-dessus duquel règne Nemesis. Créature monstrueuse, ce golgoth semble avoir bien des comptes à régler avec Jill, qu'il poursuit sans relâche.
Un prétendant éconduit ? Il faudra compter sur Carlos Oliviera et ses cheveux flottant perpétuellement. Lui aussi trouve du charme à notre pétulante héroïne. Tous deux parviendront-ils à trouver un vaccin contre l'infection ? Ou, au moins, à fuir cette ville américaine autrefois ordinaire, désormais condamnée, sans devenir un Jill Sandwich ?
Conditions de test
Le jeu a été testé sur PS5, grâce à la mise à niveau gratuite entre la version PS4 et next-gen. Le test est issu d'une version commerciale, et non offerte. Les paramètres du jeu ont été définis sans ray-tracing, mais avec 60 FPS à l'image.
Le remake d'un des Resident Evil les moins connus
Qu'on se le dise : Resident Evil 3 est, de tous les épisodes canon, assurément le moins connu de la franchise. Son origine à elle seule en atteste. À la base, Code Veronica devait constituer, dans les esprits, la véritable nouvelle étape de la licence. Finalement, pour cause d'accords avec Sony, Capcom accepta de nourrir la PS One d'un ultime volet.
Celui-ci revisite pleinement le lore de Raccoon City, avec un twist. Plutôt que de se situer après les événements du deuxième volet, il se tient quelques heures avant, puis quelques heures après Resident Evil 2. De quoi voir les prémisses de l'infection, jusqu'à l'extermination de la ville de Raccoon City. Les aventures de Jill font un véritable sandwich du second épisode.
On prend les mêmes et on recommence ? Pas tout à fait. Contrairement au second épisode, Resident Evil 3 Remake fait la part belle à l'action. Les prérequis de la saga sont respectés : de la présence de plantes vertes à concilier, aux coffres toujours magiques, jusqu'aux machines à écrire permettant de sauvegarder. Néanmoins, le jeu, en assurant une fuite en avant constante, perd sa cohésion avec son unité de lieu.
Ne vous attendez pas à ce que le jeu soit plus angoissant que le remake du second épisode. Non seulement perd-il, dans la transition du remake, certains passages emblématiques du jeu originel. Mais il détourne en plus sa plus belle trouvaille, Nemesis.
Nemesis, ô mon Nemesis, m'attends-tu au tournant, ou est-ce l'inverse ?
Dans le volet originel, sorti sur PS One en 1999, Nemesis tenait le haut de l'affiche. Cette créature lancée sur les traces des membres survivants de l'unité de Raccoon City, les STARS, poursuivait sans relâche Jill Valentine à travers ses pérégrinations. Un air de déjà-vu ?
En effet. Resident Evil 2 Remake a repris cette idée avec son génial Mr X. La rumeur veut qu'en voyant ce que l'équipe en charge du 2 avait en tête pour son antagoniste phare, le réalisateur de Resident Evil 3 ait fait machine arrière concernant le Nemesis. Dotés d'un concept trop proche, les deux monstres auraient pu être redondants aux joueurs, selon lui.
Par conséquent, adieu les décisions, lorsque Nemesis apparaissait. Auparavant, Jill pouvait fuir, ou combattre son ennemi. Désormais, elle doit le fuir à tout prix. Et il faut dire que la bestiole va vite, très vite, et même trop vite. En quelques foulées, il rattrape notre héroïne et lui assène des coups quasi-mortels.
La nouvelle capacité à l'esquive de Jill sera mise à rude épreuve, mais quand bien même ; si Nemesis demeure une réussite, il fait moins forte impression que Mr X alors. De stressant, il peut se révéler frustrant dans la première moitié, avant d'être ridicule en tant que boss.
Car oui, il faudra bien l'affronter, ce rigolo de trois mètres de haut. Et ces affrontements, trop simples à appréhender, ne rendent guère grâce à l'illustre figure qu'il était dans l'épisode originel. Dommage.
Une série B qui se veut adulte tout en restant profondément adolescente
Malheureusement, la parution rapprochée des deux remakes, ainsi que leur unité spatiale (la ville de Raccoon City) et temporelle oblige quelque peu à la comparaison. Et un élément tranche radicalement entre les deux épisodes : la tonalité des protagonistes et messages lus.
Là où Resident Evil 2 Remake se voulait sérieux, Resident Evil 3 Remake est plus orienté série B. Difficile de décompter le nombre de noms d'oiseaux passant la bouche de nos protagonistes. Par ailleurs, une certaine proximité avec le lecteur, un côté plus "c'est bon c'est rigolo" transparaît des documents lus.
Et ce n'est pas les personnages secondaires qui feront passer le sandwich. Si Carlos Oliviera, en dépit de son flirt un peu lourdingue au début, devient attachant au gré du jeu, les poncifs du méchant russe qui est là pour le pognon sont difficiles à accepter plus de 20 ans après. Comment, on me dit dans l'oreillette que non, c'est encore d'actualité ? Au temps pour moi.
Ce changement de ton, vers un ensemble plus trivial, est le pendant parfait de l'aventure, davantage tournée action que vers l'angoisse et la tension. Pourtant, au passage, certains éléments demeurent très satisfaisants.
Une ville de Raccoon City privée de ses lieux les plus touristiques
Si la première partie de Resident Evil 3 se passe dans le centre-ville de Raccoon City, en proie à l'infection, l'unité de lieu se disperse rapidement. C'était déjà le cas dans l'épisode originel. Toutefois, pour les amateurs de ce dernier, il faudra faire une croix sur de nombreux endroits emblématiques.
C'en est fini du beffroi, du cimetière ou du parc. Des lieux qui, pourtant, rappellent de nombreux souvenirs aux joueurs du jeu PS One, GameCube ou Dreamcast ont tout simplement disparu. Pour les remplacer, Capcom a jugé bon d'optimiser d'autres passages.
L'hôpital, qui ne tenait qu'en quelques salles par le passé, opère ici un retour magnifié. Il s'agit d'un des meilleurs moments du jeu, avec une ambiance lourde, nonobstant le fait que jamais le joueur n'est à la recherche éperdue de munitions. Un peu gâché seulement, peut-être, par l'affrontement en arène final, il s'agit d'un des lieux qui profite le plus de ce remake.
Vous l'aviez aimé dans Resident Evil 2 Remake ? Redécouvrez le commissariat de Raccoon City, en version allégée. Une petite visite dans des décors transférés du précédent remake, à moindres frais pour Capcom. Et surtout, sans réelle réflexion.
Certaines portes censées nécessiter une clé spéciale peuvent être ouvertes. Quant à des ouvertures vers d'autres salles, elles sont tout simplement... inexistantes. Un problème spatio-temporel, qui perpétue la tradition, après les campagnes mal combinées de Leon et Claire.
Resident Evil 3 : symbole d'une transition vers l'action et la modernité
En soi, Resident Evil 3 Remake n'est pas un mauvais jeu. Loin s'en faut même ; certaines idées sont très bonnes, les personnages plus attachants et mieux définis, dans leurs caractères, que Leon et Claire par exemple.
Néanmoins, on ne peut faire abstraction d'une aventure amputée de nombreux moments iconiques. Pas plus qu'il n'est possible d'omettre cette sensation de frustration en mourant parce que le Nemesis est trop rapide, ou parce que la tête d'un magasin nous écrase. Oui, ça peut surprendre.
Avec le recul, en regard de ce que la série propose aujourd'hui, Resident Evil 3 semble davantage être l'épisode de la transition. Là où Resident Evil Code Veronica reprenait les codes initiaux de la série, le troisième épisode sur PS One lorgnait davantage vers une action renforcée. Concrétisée, par la suite, par la trilogie suivante, avec un quatrième volet de gala (et bientôt "remaké"), et des cinquième et sixième opus décevants, pour le moins.
Ce constat est toujours viable. À plus d'un titre, Resident Evil 3 Remake est moins centré sur Raccoon City, et plus ouvert au reste du monde, et à d'autres boucles de gameplay. Le prologue, en vue à la première personne, fera immédiatement penser à Resident Evil 7 et Village par exemple.
Sans se contenter des lauriers tressés à l'égard du second, Resident Evil 3 Remake fait évoluer son sujet. Après tout, être en mutation, c'est à-propos, pour un tel jeu. Le sujet final aura peut-être entamé sa complète transformation avec le remake du 4.