Événement du début d'année 2023 à la télévision, The Last of Us a vu sa première saison se finir. De quoi revenir sur ce road-trip en compagnie de Joel et Ellie, avant d'envisager une seconde saison qui devrait être ô combien plus dense, compte tenu du jeu concerné. Ne mettons pas la farine avant les champignons toutefois ; pour l'heure, que nous révèle cette critique de la saison un de The Last of Us ?
The Last of Us : le premier périple de Joel et Ellie en histoire
Le cordyceps, un champignon, a provoqué un bouleversement sans précédent dans le monde. Des millions d'individus infectés montrent un comportement violent, perdant leur esprit. Après avoir perdu un être cher, une dizaine d'années après ces remous apocalyptiques, Joel vit, avec Tess, de larcins et de trafics divers.
Alors qu'il cherche à rejoindre Tommy, son frère, on lui demande d'accompagner Ellie. Une adolescente violente, qui possède une particularité propice à sauver l'Humanité du chaos. Il s'agit de la seule personne connue à être immunisée au virus.
Le périple de Joel et Ellie à travers des États-Unis dévastés peut commencer, à travers un road-trip de vaste ampleur. Sur leur chemin, ils croiseront des infectés, mais également des humains, tous ayant comme règle la survie avant toute chose.
La relation entre les deux êtres esseulés saura-t-elle se raffermir suffisamment pour surmonter les obstacles, et permettre un espoir afin de trouver un vaccin à ce virus ?
L'une des adaptations les moins risquées de jeu vidéo
Au début de la diffusion de The Last of Us, sur Prime Video en France, nous étions déjà revenus sur ce que promettaient les deux premiers épisodes. Le constat, au final, ne change pas véritablement. En matière d'adaptation de jeu vidéo, le titre de Naughty Dog offre des garanties indéniables.
Les mésaventures polygonales de Joel et Ellie s'orientaient fermement vers le septième art. Certes, il s'agissait d'une tendance déjà esquissée dans le jeu vidéo, mais à sa sortie en 2013, jamais aucun titre n'avait laissé cette impression vivace d'avoir assisté des personnages dans un long métrage. Et ce n'était assurément pas la dernière image qui infirmait ce propos.
Aussi, adapter le matériau de base est un petit rêve pour tout scénariste et réalisateur de série télévisée. Les environnements sont cinématographiques, le récit trouve des éléments universels, les personnages définis et attachants, et le récit finalement riche en aventures.
Bien entendu, il a fallu faire une croix sur certains aspects inhérents au gameplay. Adieu, Joel l'homme-crabe, bienvenue Pedro Pascal, droit dans ses bottes et jamais accroupi. On passera également sur la première scène de gameplay en-dehors de la Zone de Quarantaine. Pourtant, en guise de clin d’œil, les deux bâtiments accolés sont visibles au loin au sein du second épisode.
Le périple sur 9 épisodes proposait ainsi de sérieuses garanties. Et peut, en outre, s'appuyer sur l'un des ténors du secteur, HBO.
La patte HBO : un budget ancrant The Last of Us dans un réalisme forcené
HBO vit bien des remous actuellement, par le biais de la société mère Warner Media. Rachetée, bouleversée, avec des projets de films modifiés voire annulés, l'actualité de ce protagoniste important du divertissement avait de quoi rendre soucieux toute personne s'intéressant au développement de la série The Last of Us.
Malgré tous ces éléments, HBO reste fidèle à son expertise. La chaîne câblée, ayant révolutionné la série télévisée avec The Wire, Les Sopranos ou encore Game of Thrones, parvient une nouvelle fois à ne pas décevoir. Le budget, certainement conséquent, attribué à The Last of Us, est utilisé de manière subtile.
Si les environnements apportent un aspect réaliste, jamais ils ne paraissent déplacés par rapport au récit. À aucun moment l'attention ne se portera sur des effets de style, des effets spéciaux impressionnants ou décevants. Au contraire : l'image renforce à tout moment le conte apocalyptique narré, par l'entremise de Joel et Ellie ou des personnages secondaires.
L'enrobage sonore s'en fait l'écho également. La musique issue du jeu est reprise, puis étendue à d'autres éléments, filant le récit tout au long des neuf épisodes. Un petit prodige d'adaptation, qui l'établit comme la meilleure retranscription d'un jeu vidéo sur petit ou grand écran.
Ah, il est loin le temps de Super Mario Bros le film de 1993. Ce genre d'accident industriel ne se reproduira plus, et The Last of Us en est une preuve convaincante.
La part belle faite aux personnages secondaires : l'atout de la saison 1 de The Last of Us
Le soin apporté à la relation entre Joel et Ellie n'est pas la seule réussite de la saison 1 de The Last of Us. L'indéniable accomplissement est d'avoir ménagé plus de place qu'auparavant aux personnages secondaires.
Tess, Tommy, Maria, Henry, Sam et Kathleen ; autant de personnages qui profitent de l'éloignement de la caméra du binôme principal. Chacun trouve un approfondissement, une justification, voire une création, comme c'est le cas pour la cheffe de Pittsburgh.
Semblant appréhender les attentes des joueurs, et leur proposer un contenu surprenant, The Last of Us réussit son pari. Ce sera évidemment le cas pour l'épisode centré sur Bill et Franck. Peut-être le meilleur épisode de la saison 1 ; le plus émouvant, assurément, et un risque considérable en termes d'adaptation.
Au cours d'un des plus longs épisodes de la série, l'évolution naturelle, quoiqu'un peu abrupte de la relation entre les deux hommes parvient à toucher les cœurs et marquer les esprits. À ce titre, on se permettra une digression ; il ne s'agit absolument pas de "forcing woke". Tout paraît naturel, pour des sentiments à peine esquissés au sein du jeu vidéo, mais bel et bien présents.
Ce récit est l'un des plus représentatifs du considérable soin apporté à l'adaptation. Jamais la série ne semble aussi réussie que lorsqu'elle s'éloigne de l'histoire de base. En dessinant, par petites touches, les poches d'humanité survivant envers et contre tout, The Last of Us trouve son originalité. Et s'accomplit, finalement.
Les plus grands dangers de l'adaptation restent encore à voir dans la saison 2
Le chemin de Joel et Ellie aura été parsemé de dangers durant cette première saison. Toutefois, le plus grand péril résidait assurément en l'apparente facilité d'adapter le jeu vidéo originel. À ce titre, une épée de Damoclès plane au-dessus des créateurs chez HBO.
En dépit de son apparente facilité d'adaptation, The Last of Us Part 1 comportait quelques pièges. Comme dit lors de l'analyse des deux premiers épisodes, le prologue, s'étirant ici sur une heure, était particulièrement révélateur à cet égard. Incarner Sarah, la fille de Joel, avant de passer à son père et d'assister, impuissant, au meurtre de sa petite fille constituait une petite prouesse émotionnelle.
Impliquant derechef le joueur au sein du récit, et de l'âpreté des relations humaines dans ce contexte, le prologue de The Last of Us marquait durablement les esprits. Peut-être davantage encore que le reste du jeu. Néanmoins, ce souci de l'écriture est au centre du second épisode, The Last of Us Part 2.
La suite devrait, logiquement, être adaptée au sein de la prochaine saison. Plus dense, plus profonde, cette aventure est un véritable crève-cœur pour les joueurs. La tension et le conflit se jouant dans les esprits, notamment lors d'un final d'anthologie, révèle une grammaire spécifique au jeu vidéo.
Adapter pareil matériau sera loin d'être une sinécure pour les réalisateurs de la série. Et cela, malgré toutes leurs immenses qualités, et le soutien de Neil Druckmann et du reste de Naughty Dog. Peut-être, cependant, faut-il d'emblée faire une croix sur ses émotions incroyablement fortes.
La saison 2 de The Last of Us pourrait n'être "qu'un" programme. Ce serait, en soi, un échec, car le second jeu n'était pas qu'un jeu, mais chamboulait les convictions et, prosaïquement, l'envie de poursuivre l'aventure des joueurs.
La saison 1 de The Last of Us n'est pas parfaite, Ellie a aussi des petits défauts
En dépit de toutes ses qualités, cette première saison n'est pas parfaite. Quelques-uns des reproches qu'on peut lui adresser sont inhérents au principe même de l'adaptation, et d'autres devraient s'estomper à l'aune des prochains épisodes.
Abordons l'éléphant dans la salle : le casting de Bella Ramsay. Si la jeune femme s'en tire admirablement sur plusieurs points, jamais ne parvient-elle à convaincre qu'elle n'a que quatorze ans dans la série. Cependant, sa présence se justifie compte tenu de l'évolution d'Ellie lors de la seconde saison, qui se note d'emblée ici.
Si dans le jeu, il y avait une véritable évolution entre une jeune fille un peu candide, vers la pré-adolescente revêche et désillusionnée, Ellie est directement caractérisée comme un personnage violent, cruel et brusque ici. Logique, finalement, alors qu'elle a grandi dans un environnement pas forcément amical. La présence de Sadie Sink dans le film The Whale, dans le rôle d'un personnage inopinément baptisé Ellie, offre une autre vision de ce qu'aurait pu être ce personnage.
Dans un second temps, certains éclairages, un peu artificiels, confinent la série dans un aspect jeu vidéo. Étonnant, quand on constate tous les efforts pour apporter un cachet réaliste à l'ensemble.
Pour finir, on ne pourra que regretter la présence vraiment trop diluée de la menace infectée. Certes, le message est que l'homme est un loup pour l'homme en ces temps troublés. Néanmoins, ne faire apparaître qu'une fois les claqueurs, et à quatre reprises sur neuf épisodes des zombies, est assez léger.
Ce ne sont bien évidemment pas des éléments empiétant réellement le plaisir. Une fois pris dans les épisodes, la première saison de The Last of Us se regarde avec plaisir, surprises, et même une émotion prégnante. Une réussite, qui ne bouleverse en rien les codes du média, mais laisse franchement enthousiaste quant à la suite.