Le catalogue Netflix est dantesque ; hébergeant auparavant de nombreuses œuvres de studios tiers, le géant du streaming en produit également. À la pelle. À tel point, d'ailleurs, que la plupart restent inaperçus, ou ignorés par la grande majorité du public. Pourtant, certains méritent clairement le coup de s'y arrêter. Rarement tel adage aura été plus pertinent qu'avec Une Drôle de fin, ou A Stupid and Futile Gesture en VO. Pourquoi revenir sur ce film, pourtant diffusé il y a bien des années de cela, en 2018 ? Parce que c'est une pépite de la comédie, ni plus ni moins. Vous l'aurez compris : cette critique, encore plus qu'aucune autre, sera loin d'être impartiale.
De quoi ça parle, Une drôle de fin, sur Netflix ?
Doug Kenney est étudiant à Harvard, avec son acolyte de toujours, Henry Beard. Alors que ce dernier est promis à des postes à responsabilité à la fin de ses études, le premier souhaiterait que l'esprit de fête et de déconnade perdure tout au long de sa vie. À force d'insistance, il parvient à convaincre son compère de créer ce qui deviendra l'un des magazines satyriques les plus célèbres des États-Unis : The National Lampoon.
Au gré de cette publication, de nombreux rédacteurs vont percer, et seront plus tard connus du grand public. Chevy Chase, Bill Murray, Gilda Radner, John Belushi, Harold Ramis, pour ne citer qu'eux, deviendront des stars grâce à ce support papier. Comment lutter, toutefois, face à l'émergence de la télévision, en matière humoristique ?
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Pourquoi c'est bien, A Stupid and Futile Gesture ?
Du Saturday Night Live aux succès de Animal House et Caddyshack, en passant par la dépression et l'emprise des drogues, Une drôle de fin revient sur les années 70 et 80 mouvementées aux États-Unis. Et, surtout, sur la création de l'humour américain, qui se fait encore sentir aujourd'hui. A Stupid and Futile Gesture n'est pas simplement une comédie banale ; il s'agit d'une exploration d'une tendance humoristique, de la psychologie d'un comique, et, également, d'un film malin, reprenant les codes d'une publication célèbre pour l'adapter à son propos, et jouant habilement de l'humour méta.
Un passage de témoin entre deux générations du même humour
Le personnage de Doug Kenney, central dans le film, sert de catalyseur, de point d'observation et d'action sur l'humour d'une époque. Fêtard invétéré à l'Université, son désir est de maintenir cet esprit dans le reste de sa carrière. Par le biais du National Lampoon, son magazine, il va réussir ce tour de force, tout en permettant à de nombreux comiques de percer dans le business.
Tout d'abord, Une Drôle de fin s'établit comme un hommage à une période fondatrice de l'humour américain. Époque dure et troublée, les années 70 et 80, avec leurs remous sociaux et militaires, permettaient à de nouvelles voix de s'imposer. Ces noms, désormais connus, ont pu paver le chemin à une tendance désormais mainstream dans le cinéma d'humour américain. Chevy Chase, Bill Murray, John Belushi, pour ne citer qu'eux, sont des personnages importants de cette époque.
Ironie du sort, c'est justement des acteurs pour beaucoup apparentés au SNL, ou Saturday Night Live, institution américaine de l'humour, qui les incarnent dans ce long-métrage. Pour parachever ce fait, Chevy Chase, apparaissant comme Pierce dans l'excellente série Community, est incarné par Joel McHale, avec lequel il avait eu bon nombre de contentieux sur les plateaux de tournage.
Sans morgue, en toute humilité, chaque acteur incarne brillamment son personnage, tout en reprenant à son compte les codes de l'humour de l'époque. Bien sûr, aujourd'hui, l'humour pourra choquer ; c'était déjà le cas à l'époque, et c'était fait exprès. Néanmoins, il trouve incontestablement sa continuité, dans l'esprit, avec les comédies pour adolescents actuelles. 21 Jump Street, SuperGrave, les comédies de Judd Appatow et bien d'autres n'auraient pas été les mêmes sans National Lampoon, Animal House, et par extension, l'œuvre de Doug Kenney.
Doug Kenney, un personnage plus profond et mélancolique qu'il n'y paraît
Parmi ces personnages iconiques, le choix de se focaliser sur un "faiseur" davantage qu'une star peut paraître étonnant. Néanmoins, le portrait de Douglas Kenney se constelle de petites touches permettant d'établir un homme bien plus profond qu'il n'y paraît.
Devant lutter avec un syndrome du survivant suite au décès de son frère, jamais l'homme ne sera reconnu par ses parents. Ceux-ci, dédaignant son succès, se laissent gâter sans retour par l'argent amassé par leur fils. Plongé dans une mélancolie qu'il ne peut combattre qu'à force de travail, de drogue et de blagues potaches, Douglas Kenney est toujours sur le fil, à ça de sombrer dans une violente dépression.
Si ses idées et plaisanteries, dont la paternité revient à la synergie établie dans la rédaction du National Lampoon et, plus tard, les acteurs de ses films, sont devenues si célèbres aujourd'hui, c'est notamment grâce à cette profonde mélancolie qui l'habitait. Le personnage, brillamment interprété par le trop méconnu Will Forte, est un sujet parfait pour analyse du mal-être d'un comique.
À cela, il faut bien sûr mentionner la scène où il découvre, stupéfait, AirPlane, appelé Y a-t-il un pilote dans l'avion sous nos latitudes. Déprimé par le brio du film des ZAZ, il comprend qu'ils ont fait mieux que lui, qu'il y a plus drôle, ce qui le fait sombrer un peu plus. Déjà entérinée, la chute n'en sera que plus rude.
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Une drôle de fin pour une idée de la réalisation effectuée avec brio
Si elle ne paie pas de mine, de prime abord, la réalisation fait preuve de bonnes idées indéniables. Parcourant les coulisses de la rédaction du National Lampoon, il permet d'entrevoir le processus de création de certaines des couvertures les plus célèbres de la presse américaine, et mondiale.
Mieux encore : certains codes des sections du journal, comme le roman-photo, sont repris pour des sections entières de films. À ce moment-là, seules les images subsistent, et Douglas Kenney, insatiable bavard, doit se taire pour les tournants les plus dramatiques de sa vie.
Outre la reprise à son compte de certains codes établis à travers la carrière de son personnage principal, Une Drôle de Fin se permet des coups d'éclat. De la temporalité déviante des évènements, inoculée par l'usage abusif de drogues, jusqu'à une "astuce scénaristique" jusqu'alors inédite (et que l'on taira, par acquit de conscience), le film redouble d'inventivité pour animer, divertir, et finalement, émouvoir.
Étonnant à quel point Une Drôle de Fin a pu passer inaperçu sur Netflix. Réalisé par David Wain, déjà derrière la caméra pour la comédie culte US Wet Hot American Summer et ses dérivés en séries Netflix, A Futile and Stupid Gesture reste une comédie importante, aussi bien pour appréhender le mal-être d'un humoriste, que pour dresser le portrait de ce qui deviendra l'humour typique des comédies américaines, au même titre que les Monthy Python ont pu influencer toute une partie de la production cinématographique britannique.
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