Le jeu de Remedy Entertainment, sorti en 2010, s'offre une cure de jouvence avec un remaster sorti sur PS4, PS5, Xbox One et Series X. Suffisant pour redécouvrir ce qui, pour certains, constitue un jeu culte et trop mésestimé ? À l'approche du second épisode, découvrons avec le test d'Alan Wake Remastered si les ténèbres qui l'entourent ont passé l'épreuve du temps.
Stephen King présente : Alan Wake Remastered
Alan Wake est un auteur à succès. Après sept livres, il a décidé de mettre un terme à sa saga littéraire la plus prolifique, mettant en scène un policier new-yorkais bourru. Sans se douter que Rockstar allait reprendre la licence, sans doute, il a bon espoir de retrouver le même prestige avec un nouveau livre.
Malheureusement, l'angoisse de la peur blanche se prend. Pour le changer d'air, son épouse, Elena, lui propose de passer un séjour en amoureux à Bright Falls. Son environnement forestier, ses grandes balades, ses autochtones sympathiques, et son chalet au milieu du lac. À moins que ?
À peine les clés récupérées, et l'électricité allumée, une dispute éclate entre Elena et Alan. Ce dernier part du chalet, furieux de découvrir que ces vacances devaient lui permettre d'écrire en retrouvant l'inspiration. Un départ qui n'aura de cesse de le hanter. Quelques minutes après, une présence de ténèbres s'empare d'Elena, la plongeant dans les tréfonds du lac de Cauldron Lake.
Pour Alan Wake, la suite est floue. Il se réveille poursuivi par des ténèbres et des autochtones plus si amicaux comme ça, mais franchement réfractaires à sa lampe de torche. Pas le choix : il va lui falloir découvrir l'histoire de Bright Falls et ses environnements pour faire la lumière sur cet évènement.
Et tant pis s'il se parle à lui-même à travers des écrans de télévision, ou s'il trouve des pages d'un manuscrit qu'il n'a pas encore écrit. Après tout, rien ne semble vraiment différent d'un roman de Stephen King. Autant y plonger jusqu'à la résolution ultime. À moins qu'il faille attendre près de 15 ans pour celle-ci.
Conditions de test
Alan Wake Remastered a été testé depuis une version commerciale PS4, optimisée pour Playstation 5 grâce à la mise à niveau gratuite PS5. Aucun bug problématique ne s'est manifesté, et le jeu tourne parfaitement en 60 FPS.
L'histoire complexe du jeu vidéo culte le plus générique par Remedy
Après plus d'une décennie à attendre dans les ténèbres, la nouvelle sortie d'Alan Wake Remastered marque une étape pour l'écrivain maudit, et Remedy Entertainment. Rien n'a jamais été évident dans cette entreprise, et le jeu vidéo concerné s'en fait le parfait reflet.
Alan Wake succède à Max Payne, pour le meilleur et l'horreur
Initialement, Alan Wake est sorti en 2010 sur Xbox 360, puis 2012 sur PC. Attendu de pied ferme par toute l'industrie, le jeu a plus que divisé lors de sa sortie. Il faut le dire : son développement a loin été de tout repos.
Après sa présentation en grande pompe à l'E3 2005, le titre de Remedy Entertainment devait prendre la forme d'un open-world mâtiné d'horreur. Le CV du développeur finlandais, avec les deux premiers, et excellents, Max Payne à son crédit, lui a permis d'acquérir un éditeur de choix : Microsoft.
Malheureusement, les relations n'ont cessé de se distendre entre Sam Lake, le scénariste, et son mécène. Visiblement, le membre des GAFAM avait un peu trop tendance à s'immiscer dans le processus créatif.
Par ailleurs, l'idée de joindre l'horreur scénarisée à un monde univers fut jugée trop complexe après trois ans de développement. À ce jour, à vrai dire, seul The Evil Within 2 a plutôt bien opéré pareil mélange. Résultat : tout fut repensé, pour concevoir une aventure plus concentrée sur les mésaventures horrifiques de l'écrivain plongé dans les ténèbres.
À sa sortie, si l'ambiance d'Alan Wake a conquis de nombreux joueurs, ses phases de combat par trop génériques ont déçu. Après la consécration Resident Evil 4, et soumis à la concurrence de Deadly Premonition, le jeu vidéo de Remedy Entertainment ne trouvait pas foncièrement sa place.
Alan Wake n'est ainsi pas passé loin d'être un jeu au demeurant sympathique, mais aisément oublié après une décennie. Avant que le Remedy Connected Universe ne s'en mêle.
Le Remedyverse : la pile qui donne une nouvelle lumière à Alan Wake Remastered
Amusant, par ailleurs, le nombre de rappels disséminés à travers le jeu, qui commentent le développement du jeu.
De l'ancienne série de livres d'Alan Wake, Alex Casey, faisant évidemment penser à Max Payne, au douloureux processus créatif, en passant par l'ingérence d'un éditeur trop présent, jusqu'aux phases de conduite trahissant le premier aspect open-world ; Alan Wake marque l'attrait de Remedy pour la réflexion méta.
C'est d'ailleurs bien ce qui justifie cette nouvelle version, Alan Wake Remastered. Parmi les extensions de l'excellent jeu Control se trouvait une aventure tissant de solides liens avec l'écrivain hanté de Bright Falls. Ce contenu additionnel, cumulé à l'attente d'une grande partie des joueurs du titre originel, ont permis deux choses.
D'une part, de lourdes présomptions quant à la sortie d'Alan Wake 2, finalement survenue le 27 octobre 2023. Le second épisode devrait un peu plus nouer des liens avec les différents titres de Remedy Entertainment (dont, peut-être, Quantum Breaks ?).
D'autre part, la remise au goût du jour de son premier opus. Une initiative salvatrice, pour les nombreux joueurs n'ayant pu s'essayer à Alan Wake sur Xbox 360 et PC.
Pour pousser la hype, encore faudrait-il que le jeu Alan Wake Remastered bénéficie d'un beau travail de dépoussiérage. L'écrivain de Remedy pourra-t-il s'extirper de son ombre à la faveur de cette nouvelle sortie ?
Après Control, un remaster obscurci par la paresse
Entamons ce test d'Alan Wake Remastered par une revue des nouveaux éléments. Et n'y allons pas par quatre chemins : ceux-ci ne sont pas exactement nombreux...
En termes de contenu, on notera l'inclusion des épisodes additionnels, Le Signal et l'Écrivain, absents de la version Xbox 360 de base, mais présents sur PC en 2012. Voilà.
En revanche, d'aucuns pourront déplorer l'absence du pourtant fort sympathique Alan Wake's American Nightmare, spin-off du jeu de base plongeant l'écrivain dans un épisode de la Zone X / Night Springs, série bien connue des amateurs des productions Remedy.
Les options graphiques sont également minces. On pourra noter la possibilité d'activer ou non le flou cinétique, ainsi que le grain de film. Finalement, peut-être est-ce dans le jeu que les changements les plus significatifs surviennent.
Cependant, au-delà des effets de flou et de lumière, lesquels, cumulés, flattent la rétine, les joueurs n'auront que peu d'éléments à se mettre sous la dent. Sur PS5, Alan Wake Remastered est plutôt joli, mais comme la version ultra d'un jeu PC datant de 2012. Rien d'infamant, mais rien de brillant non plus.
Le seul ajout "significatif" est la présence de QR Codes présents un peu partout à Bright Falls. Une fois scannés par le joueur, ceux-ci donnent accès à des séquences présentant Alan Wake piégé, à la manière du contenu additionnel de Control.
Bref, Alan Wake Remastered fait le choix de se concentrer sur l'œuvre originelle. Quitte à décevoir ceux qui espéraient de nouveaux liens avec le Remedyverse instauré par Control : Ultimate Edition.
Un jeu au gameplay double pour un écrivain schizophrène : logique !
Un écrivain schizophrène, pour un jeu qui met la dualité au centre de son propos ? Quoi de plus logique, après tout. Alan Wake Remastered manie comme rarement l'ombre et la lumière, comme pour manifester ses aspects repoussants et attrayants.
Les phases de combat dans Alan Wake Remastered : l'éternel point noir du jeu de Remedy
Sommairement, quand la nuit tombe, Alan Wake est en danger. C'est alors des ennemis pullulent, des objets s'animent à l'approche de l'écrivain, et de mystérieuses forces de ténèbres se déchaînent sur ce pauvre hère.
Malheureusement, alors que la tension devrait être à son comble, Alan Wake Remastered, comme son aîné, pêche alors par manque de maîtrise. Le gameplay se résume à un banal TPS à twist. Ici, il faudra d'abord ôter la couche d'ombre grâce à la lampe torche avant de pouvoir flinguer à tout va.
Une ritournelle qui évolue, doucement, lors des derniers chapitres. Le jeu en comptant six, nous n'allons pas le cacher : les trois premiers sont particulièrement redondants. Ils se limitent généralement à une exploration des forêts environnant Bright Falls et Cauldron Lake, jalonnée de vagues d'ennemis à défourailler.
Oh, bien sûr, il y a un arsenal qui s'y prête. Alan Wake a à sa disposition des fusées éclairantes, des fumigènes, différentes lampes torches et des grenades incapacitantes pour affaiblir ses ennemis. Pour les éliminer, un revolver et plusieurs types de fusils seront également là.
Néanmoins, rares sont les moments où la pression suscitée par les situations se fait sentir. Il faudra attendre des épisodes plus avancés pour se retrouver véritablement démuni face aux menaces. Et ainsi, jouer avec les éléments du décor pour traverser sain et sauf les environnements.
Dans ce mélange d'ambiance horrifique et de jeu de tir à la troisième personne, Alan Wake Remastered est très loin de l'excellent standard concrétisé par Control : Ultimate Edition, près de dix ans plus tard. Néanmoins, ce n'est pas faute d'avoir travaillé son ambiance.
Ambiance, ambiance, quand tu nous tiens
On vous a déjà parlé de Control ? C'était vachement bien Control. Vraiment. Son architecture, son histoire opaque et moderne, ses renvois audacieux à un lore plus qu'étendu, son gameplay mélangeant plateforme et tirs. Sans oublier, son ambiance, parfaitement restituée à travers une maîtrise sonore de tous les instants.
À ce niveau-là, le jeu mettant en scène Jesse Fadden a tout appris auprès d'Alan Wake. Indéniablement, le studio Remedy avait déjà compris l'importance d'une bonne maîtrise du son pour immerger les joueurs dans sa proposition.
Lorsque la nuit tombe, et que le vent se lève, son souffle instaure une ambiance à couper au couteau pour le joueur. Jamais en sécurité, celui-ci pourra sursauter sur des éléments parfaitement anodins. Ci une poubelle qui tombe, çà une télévision qui s'allume, là une balançoire qui bouge sans contact. Quel dommage que le gameplay ne soit jamais au niveau de l'ambiance exceptionnelle proposée.
Version française ou originale ?
On ne saura que trop recommander aux joueurs d'essayer Alan Wake Remastered en version originale. Des sous-titres facilitent ce choix. En VF, les acteurs ont tendance à beaucoup trop surjouer, particulièrement le doubleur du personnage éponyme. Difficile également de passer outre la présence de Christophe Lemoine au casting vocal. Pour excellent doubleur qu'il soit, entendre la voix de Cartman de South Park dans un jeu d'horreur met à mal la sensation d'horreur.
Quelle histoire de Bright Falls souhaites-tu nous raconter, Alan Wake ?
Comme énoncé, Alan Wake Remastered se décompose en phases diurnes et nocturnes. Les premières, constituant 5 à 10% de chaque épisode, permettent de côtoyer les habitants de Bright Falls, la bourgade dans laquelle l'écrivain et son épouse Elena ont choisi de résider.
Ces phases, n'impliquant aucune action autre que marcher, conduire, et récolter quelques collectables, permettent de mieux cerner l'environnement du jeu. En outre, les joueurs ont d'autres leviers afin d'explorer les méandres de la ville de plaisance.
Les pages de manuscrits obtenues par Alan au cours de ses mésaventures se concentrent parfois sur des personnages de la ville. De plus, à certains moments, les émissions de radio locales exposent l'actualité de Bright Falls.
Si cette exploration se révèle plaisante, elle pointe également quelques manquements. Des thématiques assez dures, et audacieuses pour un jeu vidéo à l'époque, sont esquissées mais jamais abordées frontalement. Une petite déception, tant celles-ci auraient pu approfondir les personnalités de certains personnages.
Au détour d'une page de manuscrit, on apprendra ainsi que la gentille serveuse du diner, Rose, n'est peut-être pas si lisse qu'elle y paraît dans ses relations aux hommes de la ville. Pourquoi ? Seul le joueur pourra effectuer les réflexions, nullement aidé par le jeu en cela.
Et que dire de l'abandon du personnage de Nightingale dans le dernier quart du jeu ? L'agent du FBI, porté sur la bouteille, disparaît alors qu'il constituait une menace prégnante pour Alan Wake. Seul Control : Ultimate Edition lui donnera une fin digne de ce nom.
C'est dans les non-dits qu'Alan Wake Remastered brille. On regrettera que Remedy n'ait pas poussé l'exploration des tourments plus avant. Cela lui aurait permis de se rapprocher du modèle avoué de l'écrivain, Stephen King.
Le Remedyverse : la lumière au bout du tunnel pour Alan Wake Remastered ?
Difficile de ne pas reconnaître les nombreux défauts qui compliquent l'expérience d'Alan Wake Remastered. Pas davantage, d'ailleurs, qu'il ne faut omettre ses multiples qualités.
Imparfait à sa sortie, le jeu de Remedy Entertainment souffre d'autant plus de son gameplay générique et répétitif dix ans plus tard. Si les graphismes lui permettent d'être plus avenant, son ambiance décuplée, Alan Wake souffre de son âge par bien des aspects.
Néanmoins, il existe un charme qui fait toujours son effet, des années après. L'inspiration de Stephen King, ses nombreuses trouvailles comme les écrans de télévision présentant l'écrivain en pleine fièvre créatrice, ou encore les murmures des ténèbres fonctionnent. Sans faire véritablement peur, Alan Wake Remastered parvient à captiver une fois passé ses deux ou trois premiers épisodes, particulièrement rebutants.
Vous connaissez le concept de first hour experience ? Alan Wake Remastered est l'exact opposé de celui-ci. Il faudra sûrement vous faire violence pour voir l'intérêt du jeu. Lequel se termine, d'ailleurs, en queue de poisson, à deux reprises. Une première fois au terme du jeu original, la seconde à l'issue des deux extensions.
Voyez Alan Wake Remastered comme une mise en bouche, un rappel permettant d'aborder de manière optimale l'expérience du Remedyverse. Celui-ci tisse avec ce premier essai des liens solides, manifestés dans Control : Ultimate Edition, et préparant, on l'espère, à un Alan Wake 2 de gala.
Qui aura pris note des défauts évidents du jeu, et adapté son gameplay à un propos des plus intéressants. Sans pour autant décevoir par un "À suivre" de mauvais goût à son terme. Croisons les doigts.