Avis aux amateurs de chair sanguinolente et autres déformations corporelles : Dead Space est de retour. Comme quoi, même sans son créateur originel, on peut évoluer et convaincre. Alors que Glen Schofield a galvanisé l'attention ces derniers mois avec son Callistrop tôt Protocol, le roi de la peur spatiale revient avec un remake fortement attendu. Entre donc ici, Dead Space Remake, et laisse-toi tester comme il se doit, que l'on vérifie de quel bois tu te chauffes.
Dead Space Remake : de quoi ça parle, cette histoire de peur spatiale ?
Le vaisseau brise-surface USG Ishimura ne donne plus de nouvelles. Censé revenir d'une mission située sur Aegis VII, il inquiète les autorités qui y dépêchent un petit commando de fortune. En son sein, Isaac Clarke, ingénieur spatial, qui espère retrouver sa compagne Nicole, travaillant sur le vaisseau de forage.
Mais comme rarement les excursions spatiales se passent bien dans les jeux d'horreur, rien ne se passera comme prévu. Sur place, l'équipe se fait vite attaquer par des monstres difformes, les nécromorphes. Entre désir de découvrir l'origine de cette menace, et de quitter au plus vite l'USG Ishimura, notre protagoniste va devoir trancher. Et des membres, idéalement.
Plongez dans une ambiance où désespoir rime avec morts atroces, ambiance oppressante, et espoirs déçus. Dans l'espace, personne n'entendra votre manette trembler à chaque son de conduit d'aération.
Conditions de test
Le jeu a été testé depuis une version commerciale, sur Playstation 5. Les paramètres ont été placés sur Performances, pour privilégier la fluidité du tout. L'option de grain de l'image a été cochée, parce que si elle est présente, c'est qu'il doit y avoir une raison. Comptez 15 à 20 heures pour un premier run qui prend son temps.
Le retour du roi de l'Ishimuroi dans son royaume
Peut-être que ce préambule pourra alerter les lecteurs les plus regardants sur l'objectivité, mais allons-y. Votre humble serviteur n'est pas vraiment étranger aux émotions suscitées par Dead Space. Naguère, dans sa prime jeunesse, ce jeu a fait partie de son petit panthéon de l'horreur, aux côtés de Condemned, et dans une moindre mesure, F.E.A.R. et Bioshock. Quelle époque, tout de même.
Aussi, lorsque le murmure d'un remake de Dead Space se faisait entendre, l'avis était nuancé. Fallait-il redécouvrir un glorieux passé, ou se tourner vers les sirènes du futur, incarnées par The Callisto Protocol ? Dans un premier temps, l'évolution avait ses attraits. Avant, bien entendu, la sortie dans les commerces, puis le test de The Callisto Protocol.
Restait à voir, tout de même, si la franchise de Electronic Arts pouvait faire sans son papa Schofield, et proposer à nouveau les mêmes sensations qu'à sa sortie, en 2008. Car oui, Dead Space est une référence de l'horreur en jeu vidéo, post Resident Evil 4. Si ce volet de la franchise de Capcom opérait un tournant plus action, il n'en oubliait pas pour autant les codes de l'horreur. Et Dead Space s'en fait le digne héritier.
Réussissant à concilier l'ambiance de Alien, le huitième passager, Event Horizon et l'oppression quasi-constante de Resident Evil 4, Dead Space premier du nom est pour beaucoup culte. Ce remake reprend-il les bonnes habitudes de son épisode initial, ou se démembre-t-il à la façon du troisième et dernier opus ?
Faire du neuf avec du vieux : le futur vers le retour de Dead Space
Isaac Clarke fait à nouveau irruption dans l'USG Ishimura alors que le vaisseau brise-surface ne donne plus de signe de vie. Il ne faudra pas longtemps pour que l'ingénieur et ses camarades d'infortune prennent conscience de la raison : des nécromorphes ont envahi les lieux.
Ces monstres aux silhouettes difformes présentent des membres pour le moins étendus. Rassurez-vous, on est davantage du côté de Dhalsim que de Rocco, et puis qu'importe en fait, vu que le jeu n'est clairement pas adapté à des joueurs non avertis. C'est gore, oppressant, et ça gicle de tous les côtés (mais encore une fois, rien à voir avec l'étalon italien).
La particularité de l'épisode originel est remise au goût du jour. Plutôt que d'aligner les headshots, il faudra ici démembrer les ennemis. Pour l'assister, Isaac Clarke a à sa disposition un arsenal de très haute volée, qu'il est possible d'améliorer.
Concilier la maîtrise des armes du protagoniste, avec la possibilité de figer pendant quelques instants les ennemis, et de s'emparer par télékinésie d'éléments du décor permettra de s'extirper de la plupart des confrontations avec la tête rattachée au tronc.
Ce ne sera pas une sinécure : les affrontements sont nombreux, voire très nombreux lors de la seconde moitié. Quant à savoir pourquoi un ingénieur parvient à si bien maîtriser les armes, c'est une autre question. Enfin bon, on envoie bien des foreurs pétroliers dans l'espace pour briser des astéroïdes, non ?
Ce remake de Dead Space a toutefois la bonne idée d'inclure certains éléments inaugurés dans les suites. Il est ainsi possible de se saisir des membres détachés des monstres pour leur remettre à la figure. Une très bonne idée, qui prouve une réflexion sur le matériau de base. Force est de reconnaître que adaptation n'est pas seule.
Faire du neuf avec du vieux : le futur vers le retour de Dead Space
En matière de remake, il y a deux écoles. L'excellente récente version de Resident Evil 2 a marqué les esprits en révolutionnant purement et simplement le gameplay de base. De l'autre côté, The Last of Us Part 1 témoignait d'une certaine paresse au moment de renouveler sa formule.
Le remake de Dead Space se situe quelque part entre ces deux éléments. Les développeurs ont saisi toutes les qualités du jeu originel, et les ont parfaitement retranscrites au sein de cette nouvelle version. Certains éléments ont été cependant révisés, pour le bonheur des joueurs modernes, et des survivalistes ayant complètement maîtrisé la première itération.
C'en est notamment fini des phases en zéro gravité ultra dirigistes et linéaires. Ici, Isaac Clarke peut, par à coups, librement se mouvoir durant certains moments. Parmi ceux-ci figurent des phases exclusives au remake, proposant de nombreuses surprises aux initiés du premier épisode.
Parmi celles-ci, la présence de missions secondaires, étendant de belle manière le lore de la franchise, esquissé sur le jeu de 2008. Bon nombre de ces suppléments se débloquent par l'acquisition de cartes d'accès, permettant d'ouvrir des portes. Un système absent, lui aussi, du titre de Visceral Games.
Additionné à l'aspect graphique, ces innovations bienvenues consacrent ce qui est, aujourd'hui, l'indéniable meilleure façon de survivre aux aventures d'Isaac Clarke sur l'USG Ishimura.
Dead Space est une véritable Clarke graphique et sonore
Si Dead Space a aussi durablement marqué les esprits lors de sa première apparition, il le doit notamment à un élément parfaitement maîtrisé. Le sound design était d'une qualité effarante. Entendre des bruits dans les conduits du brise-surface, présageant des pires menaces, établissait une ambiance des plus effrayantes.
Cette qualité est ici parfaitement réinstaurée. Le moindre bruit, grincement du vaisseau, gémissement entendu au loin, aura tendance à inquiéter le joueur. Cela va jusqu'aux sons très dérangeants des communications audio et vidéo.
Ce qui nous amène au HUD. À l'exception du menu Start et options, tout, dans Dead Space, est diégétique. L'inventaire, les audiologs ou messages textuels, la carte et la liste des tâches à mener à bien s'intègrent parfaitement dans l'aventure vécue par Isaac Clarke. Et, comme il se doit, le joueur pourra parfaitement être agressé alors que son attention se porte sur le menu.
Tout cela compose une atmosphère claustrophobique du plus bel effet, redoublée par les graphismes. Oui, ce remake de Dead Space est beau, très beau. Supérieur, même, à The Callisto Protocol, qui trouvait en ce critère son seul élément complètement satisfaisant.
Jamais l'environnement de l'USG Ishimura n'a été aussi glauque dans sa représentation. La mise en scène des décors, généralement, redouble l'effroi ressenti durant la progression. Déjà précurseur à l'époque, Dead Space bénéficie ici d'une narration environnementale d'excellente facture de surcroît. À croire que ce remake de Dead Space surpasse son prédécesseur sur tous les points. Et bien, peu s'en faut.
Ishimourra l'espoir d'un remake parfait
Qu'on se le dise, mais bon, après tout, z'avez vu la note, voire la conclusion, vous le savez, mais quand même : ce remake de Dead Space est un très bon jeu, confinant parfois à l'excellence. Néanmoins, si l'on veut chipoter, il reste encore de la matière.
Ainsi, on pourra reprocher à cette nouvelle version une carte assez peu lisible. Un effort a été fait, indéniablement, compte tenu du level design tortueux de l'USG Ishimura. Néanmoins, un reproche est à faire sur les étages ne se juxtaposant pas les uns les autres. Impossible, dès lors, de savoir quel ascenseur ou escalier prendre pour rejoindre tel ou tel niveau d'une section particulière du vaisseau brise-surface.
Par ailleurs, le choix de doter Isaac Clarke d'une voix, contrairement au jeu originel, résulte en deux impairs. D'une part, l'ingénieur prouve une tendance légèrement suicidaire et masochiste. Là où il se faisait balader par le passé de part et d'autre du vaisseau, c'est désormais lui qui insiste pour effectuer les missions impossibles. Toutefois, compte tenu des nouveaux éléments sur le passé d'Isaac Clarke, c'est raccord.
D'autre part, le doublage français est globalement raté. Plus regrettable encore, c'est surtout le doubleur d'Isaac Clarke qui surjoue constamment. Pire, sa voix et ses tonalités ne semblent pas du tout adaptées au héros de ce remake, qui a pris une quinzaine d'années entre les deux versions.
On peut également reprocher à ce jeu un élément. Trop sûr de ses forces, le remake de Dead Space intronise un ennemi iconique par le biais d'une cut-scene. Le titre originel marquait les esprits par une séquence parfaitement maîtrisée, en temps réel, dans une morgue.
Pour le reste, c'est un remake quasiment parfait. Seulement frustrant, finalement, par sa qualité de remake.
Le mode impossible, fausse bonne idée ?
Dans l'opus originel, le mode impossible était déjà présent. Réinstauré ici, le terminer est indispensable pour la complétion de tous les trophées. Alors oui, refaire le jeu en difficile, sans mourir, c'est une bonne idée. Mais avec une seule sauvegarde ? Franchement, ce trophée aurait mérité d'être optionnel, voire absent ou raisonné.
Dead Space n'est plus ce monolithe du survival-horror
Un remake de Dead Space était-il nécessaire ? Oui. Pour la bonne et simple raison que le jeu originel date de 2008, et qu'à l'exception du PC, il n'est plus jouable sur les dernières consoles. On a connu remake bien plus opportuniste, notamment à la faveur d'une future adaptation en série télé. Se reconnaîtra qui le voudra !
Un petit paradoxe survient d'ailleurs. Si graphiquement, le jeu est sublime, il ne surprendra pas les joueurs s'étant adonnés il y a quelques années au jeu de base. Pour la bonne et simple raison qu'à l'époque, Dead Space était déjà très beau. Au final, ce remake correspond aux souvenirs, erronés, laissés par l'opus originel.
Toutefois, on peut reconnaître à ce remake de ne pas se contenter d'une simple transposition du titre signé Visceral Games naguère. Des changements bienvenus ont été apportés, et cela dans deux perspectives.
La première, c'est celle de moderniser son approche de la peur, ce qui résulte en une approche plus accueillante pour les nouveaux joueurs. Et la seconde : proposer du contenu inédit aux joueurs aguerris aux joutes spatiales avec les nécromorphes.
Néanmoins, il s'agit davantage d'une évolution logique, complètement maîtrisée, que d'une véritable révolution. À ce jeu, le remake de Resident Evil 2 et son iconique antagoniste, Mister X, se révèle plus mémorable. Ah, ce level design, cette réflexion constante sur la fuite en avant fera date, indéniablement.
Le parallèle se file d'ailleurs entre ces deux jeux. L'un comme l'autre se divisent en deux parties, l'une portée sur l'horreur et la découverte, la seconde sur l'action. Comme un résumé du survival-horror, avec comme point pivot, l'arrivée de Resident Evil 4.
Le survival-horror peut-il faire mieux que survivre ?
Au-delà de toutes ses évidentes qualités, Dead Space Remake laisse un goût amer. Non pas en tant que jeu, mais dans ce qu'il révèle de l'industrie. Là où The Callisto Protocol fut un échec cuisant, celui-ci réussit à peu près tout ce qu'il réussit.
Quelque part, on aurait aimé qu'un nouveau jeu puisse se hisser à ce niveau de qualité. Bon, peut-être que The Callisto Protocol n'était pas le meilleur candidat pour cela. Lui-même était trop inspiré par Dead Space et tourné vers le passé. Cela confinait presque au plagiat.
Néanmoins, depuis le pivot Resident Evil 4, qui révolutionna le survival-horror comme il en marqua la fin, le genre est fatalement devenu schizophrène. Préférant la pression à l'effroi, l'action à la peur d'avancer, ses meilleurs représentants modernes sont constamment partagés en deux moitiés.
Où sont passées les licences plus contemplatives et propices à l'ambiance strictement horrifique ? On parle ici, notamment, de Project Zero, trop rare licence, ou Forbidden Siren. Peut-être la culture japonaise était-elle plus propice à ce versant d'effroi.
Y a-t-il, de fait, de la place pour d'autres licences dans le survival-horror ? Les arrivées prochaines, au moment où ces lignes sont écrites, de Resident Evil 4 et Silent Hill 2 à travers des remakes sont des éléments de réponse.
Il s'agit d'une réflexion externe au jeu. Et puis, en dépit de son statut d'excellent jeu, et de très bon remake, Dead Space doit encore faire ses preuves au niveau commercial. Ce ne serait pas la première fois qu'Electronic Arts enterre Isaac Clarke et son honni monolithe pour de telles raisons, après tout.