The Callisto Protocol entre enfin dans l'arène du survival-horror, bien décidé à acquérir ses lettres de noblesse sur l'autel des louanges tressées à son père spirituel, l'illustre Dead Space. Fort d'une campagne marketing de premier plan, le jeu de Krafton s'est auréolé d'une prometteuse réputation avant sa sortie. Entre idées clonées et promesses de communication, que vaut, finalement, The Callisto Protocol ?
Le pitch de poche de The Callisto Protocol
Un voyage de transport comme il en avait tant fait. Jacob Lee l'annonçait fièrement à son copilote : une fois ce dernier trajet effectué, les deux pourraient se mettre au vert, avec leurs comptes en banque bien remplis.
Alors qu'ils se rendaient depuis Europe, un satellite de Jupiter, vers Callisto, leur vaisseau est abordé par une escouade. Ils sont forcés de se crasher sur la lune de Jupiter qui était leur destination initiale.
Celle-ci abrite la prison de Black Iron. Un endroit où, selon les dires du directeur Cole, jusqu'aux plus basses âmes peuvent trouver un objectif à leur existence. Contre toute attente, Jacob est lui-même incarcéré. Après l'implantation d'une puce dans son cou, il perd conscience...
... avant de se réveiller lorsque la prison est à feu et à sang. Les prisonniers se transforment peu à peu en créatures hostiles, et le système informatique ne fonctionne plus. Avec un co-détenu, Elias, il va leur falloir trouver une échappatoire à cet enfer carcéral.
Conditions de test
Le jeu a été testé sur Playstation 5, à partir d'une version commerciale. Les graphismes, placés sur Performances, ont fait le taf' tout au long de la campagne, jouée en moyen. Apparemment, il s'agit à ce jour de la version la plus optimisée, loin des bugs et soucis rencontrés sur PC.
La suite officieuse de Dead Space s'appelle The Callisto Protocol
Affirmons-le d'emblée. Impossible de parler de The Callisto Protocol sans évoquer Dead Space, et cela pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le survival-horror de Krafton et celui de Visceral Games partagent le même créateur : Glen Schofield. L'homme, qui n'avait pas participé à Dead Space 2, semble avoir ses marottes en termes de productions vidéoludiques.
Les créatures vivront toujours après un headshot ; la solution pour s'en débarrasser réside plutôt dans l'ablation de leurs membres. Par ailleurs, The Callisto Protocol bénéficie d'un HUD inséré diégètiquement. Tant la barre de vie que le menu apparaissent naturellement à l'écran.
Jusque dans leurs origines, les deux jeux ont beaucoup en commun. Initialement, Glen Schofield avait proposé une prison spatiale comme environnement du premier Dead Space. Finalement refusée par Electronic Arts, l'idée se concrétise, plus d'une décennie plus tard, avec The Callisto Protocol.
On n'ira pas jusqu'à parler de plagiat, puisque, a priori, il s'agit du même créateur derrière. Et puis, ne serait-ce qu'établir une référence similaire à Dead Space en son temps serait une prouesse pour la production de Krafton.
Le jeu de Visceral Games était immersif, angoissant, et profitait d'un sound design d'exception. The Callisto Protocol doit au moins être aussi convaincant, n'est-ce pas ? Ahem.
Jacob Lee : les poings fermés et le cœur ouvert
La grande particularité de The Callisto Protocol, c'est sans doute son système de combat. Le protagoniste, Jacob Lee, possède certes quelques armes ; toutefois, ce n'est pas ici que résident ses qualités bellicistes. Ce qu'aime Jacob, c'est la castagne, la vraie, celle avec esquives et coups sur la tête des créatures avec des armes de fortune.
S'invite alors un système assez atypique. Grosso modo, chaque séquence d'affrontement avec un monstre procède à une séance d'esquive. Le joueur appuie sur droite pour éviter le premier coup ; puis sur gauche si deuxième coup il y a. Lorsque la créature est à l'arrêt, il peut entamer une série de coups. Jusqu'à ce que la créature se reprenne, et que le petit manège s'enchaîne.
Les armes permettent de ponctuer chaque séquence de coups par un critique. En appuyant sur la gâchette de lock, puis de tir, les joueurs seront à même d'exponentialiser leurs dommages. De fait, les munitions seront moins nombreuses que dans un survival, puisque ce n'est pas là où le cœur du combat se situe.
Si elle a l'avantage d'être assez unique, cette méthode trouve ses limites dans le combat contre plusieurs monstres. Sans être très exigeant, elle demandera une sacrée vivacité. Et surtout, aura tendance à trop établir les ennemis de The Callisto Protocol comme des punching balls bas de gamme, avec un semblant de répondant.
La peur ? Quelle peur ? Je me ris de la peur !
La contrepartie, c'est que le jeu ne fait jamais peur. Pas plus qu'il n'angoisse par ailleurs. À force de trop présenter ses créatures comme des monstres basiques, à l'IA au ras des pâquerettes, jamais The Callisto Protocol ne parvient à instaurer une atmosphère propice à l'effroi.
Ce n'est pas que le jeu ne s'y essaie pas. La mise en scène peut paraître travaillée sur certains plans. Lumières qui s'éteignent abruptement ; clignotements frénétiques ; plafond qui s'écroule soudainement ; scripts de créatures qui apparaissent ; rien n'est véritablement épargné aux joueurs.
Cependant, les rencontres avec les monstres se font particulièrement basses du front. On aperçoit une créature, on la marave, et on passe à autre chose, sans réfléchir, sans appréhension de ce qui peut nous attendre par la suite. Pour un jeu qui se dit d'horreur, c'est un peu le pire reproche à adresser.
Dès la communication autour de la sortie, l'axe prôné par Glen Schofield était celui du gore. Sans mentionner l'horreur, l'angoisse, le créateur de jeu dissertait sur les nombreuses morts de Jacob Lee possibles. Alors oui, c'est gore, rien à dire. Toutefois, quand c'est le seul levier pour un tant soit peu sensibiliser le joueur, ce n'est pas un bon signe.
Pour l'aspect survival-horror, c'est donc un échec. Dans le fond, subsiste-t-il de l'espoir pour que The Callisto Protocol soit un bon jeu ?
Un enrobage qui insiste là où il ne faut pas : Callisto Proctologue
Le gameplay n'est pas bien fignolé. Toutefois, c'était là un commentaire que l'on pouvait auparavant adresser à Dead Space, dans une moindre mesure. Après tout, les combats étaient des variantes de TPS, comme il y en avait tant à l'ère de la PS360. Si le jeu de Visceral Games brillait, c'était dans sa direction artistique, son atmosphère à couper au couteau, et son design sonore.
Qu'on se le dise : ce dernier principe est respecté. Au casque, The Callisto Protocol propose un accompagnement auditif soigné, qui eût pu susciter un tant soit peu d'effroi. À tout moment, la BO rappelle Dead Space, jusqu'à l'excès. C'est assez incroyable ; même après avoir délaissé le précédent jeu de Schofield une dizaine d'années durant, on a l'impression d'écouter les mêmes pistes.
Il faut également reconnaître que l'aspect graphique est soigné. Les effets de lumière, de particule, et de neige sont très réussis. Ce n'est pas sur ce volet que The Callisto Protocol pèche, indéniablement. Il suffit de se rendre à l'extérieur de la prison, à la moitié du jeu, pour voir le travail des développeurs.
Cependant, The Callisto Protocol coupe court à la fameuse immersion de Dead Space. Le menu, s'il reste diégétique, est particulièrement grossier. Dans son esthétique, tout d'abord, mais également dans sa practicité. Impossible, par exemple, d'écouter un audiolog en déambulant dans les couloirs de la prison Black Iron. L'inventaire est assez illisible également, et on mettra du temps à comprendre pourquoi il est rempli à ce moment.
Un level design lunaire, ce qui est finalement de circonstance
Dans son level design, The Callisto Protocol consiste en trois pas en arrière.
Le plan à suivre n'est jamais évident, il n'y a aucune carte à consulter, ou de fil d'ariane à révéler comme dans Dead Space. Par conséquent, l'exploration relève de la gageure. Il arrivera régulièrement que l'on avance vers l'objectif, alors qu'on cherchait à découvrir les salles cachées. Ce qui oblige à un fastidieux retour en arrière pour découvrir des endroits cachés.
Car entre les nombreux conduits, portes, échelles, le titre de Krafton ne lésine pas sur les sas de chargement à peine dissimulés. Certes, plus d'un jeu, God of War Ragnarök en tête, use de ce genre de procédé pour amorcer la suite de leurs périples. Néanmoins, lorsqu'on se confronte à la progression linéaire de The Callisto Protocol, face à la fluidité d'un Dead Space, cela a de quoi faire grincer des dents.
À plus forte raison lorsque le jeu n'hésite pas, à la faveur d'une cinématique, à inclure des ellipses inopinées. Cette méthode rompt particulièrement l'immersion au sein de Black Iron. S'il reprend les inspirations de son aîné, Alien et Event Horizon, pour ne citer qu'elles, jamais The Callisto Protocol ne paraît aussi bien les avoir assimilées que Dead Space naguère.
Et c'est sans même mentionner les effets graphiques, très en-deçà des attentes entourant un jeu triple A. Il suffit de poser un regard las et morne sur le feu pour se rendre compte du caractère obsolète de la proposition.
Le massacre de Callisto, à des années lumières d'une bonne idée
Sans être un calvaire à parcourir, The Callisto Protocol fait figure de série B du jeu vidéo. Pas d'un nanar, qui aurait eu l'humilité de reconnaître ses défauts, mais plutôt d'un navet, un jeu trop prétentieux pour son propre bien.
Glen Schofield semble avoir réinstauré ses marottes, sans prêter attention à l'évolution du paysage vidéoludique depuis la sortie de Dead Space. Quand bien même, face à cette référence, la production de Krafton semble être une régression sur à peu près tous les niveaux, si ce n'est graphique.
L'absence de volte-face à 180° passe encore, mais The Callisto Protocol présente tant d'écueils que c'en devient abasourdissant. Les apparitions d'ennemis, pour scriptées qu'elles soient, ne font jamais peur.
Vous ouvrez une porte ? Une créature vous assaille. Vous forcez un coffre ? Un adversaire apparaît derrière vous. Oui, et après ? Si de tels événements auraient pu induire une forme de réluctance à progresser, voire d'angoisse, c'est bien sur le jeu que se porte ce sentiment.
Combien de fois le rédacteur de ces lignes se sera pris à réfléchir à la dernière fois qu'il avait eu pareil cas d'école entre les mains ? Car on ne parle pas d'un jeu indépendant, ou issu d'un éditeur à petit budget.
Non, ici, c'est bel et bien d'un double, voire d'un triple A dont il est question. Mais un triple A sans idée qui tienne la route, qui propose des choses nouvelles de manière anormalement maladroite et incongrue. Somme toute, un camouflet, pour laisser échapper le mot qui fâche.
The Callisto Protocol n'a pas évolué avec son temps
Finalement, le plus grand adversaire à ce jeu est la communication intempestive dont il a été le sujet. Trop racoleuse, celle-ci l'a vendu comme le renouveau du genre, le véritable héritier de Dead Space, là où il n'est, au mieux, qu'une proposition.
Jamais franchement intéressant, toujours à la masse, The Callisto Protocol rappelle le souvenir de productions assez génériques, aussi vite commercialisées qu'oubliées. Entrez ici, les souvenirs de Dark Void (en 3D), Lost Planet, Alpha Protocol, et, finalement, Duke Nukem Forever.
C'est finalement avec celui-ci que The Callisto Protocol partage le plus de points communs. Sans la caractéristique d'arlésienne, certes, mais avec tout ce que cela induit de jeux vidéo forcés, avec un melting-pot d'influences qui se concrétisent en un jeu tristement générique, à la communication suffisamment bien huilée pour établir un effet d'attente.
Si Dead Space premier du nom s'inspirait grandement de Alien, le huitième passager, c'est plutôt du côté de Alien versus Predator Requiem que the Callisto Protocol lorgne. Non pas pour son ambiance, mais pour son prolongement des principes initiés par Aliens : plus gore, plus beau, plus bête.
Dommage. Plus qu'à attendre des bons plans pour le remake de Dead Space. Pour la nouveauté, à notre grand regret, on repassera.