Vous étiez en mal de la franchise de survival-horror de Konami ? Désespéré par les précédentes tentatives pour rallumer la flamme de l'univers de Silent Hill ? Sans crier gare, l'éditeur a shadow droppé une expérience jouable gratuitement, exclusive à la Playstation 5, Silent Hill : the Short Message. Que vaut cette démo d'un jeu qui ne sortira probablement jamais ? Réponse avec cette critique.
C'est quoi la courte histoire de ce court message de Silent Hill ?
Anita se réveille dans un immeuble désaffecté de la ville de Kettenstadt, en Allemagne. Seulement équipée de son smartphone, elle se lance dans l'exploration de ce lieu.
L'objectif de cette excursion, c'est retrouver Maya, une camarade de classe qui communique avec elle par texto. La jeune fille, une artiste célèbre, semble avoir connu des jours meilleurs. Très vite, Anita découvre une atmosphère bizarre, confinant à l'oppression dans l'immeuble.
La recherche d'indices dans les différents appartements ; ses interactions avec une autre amie, Amélie ; ses souvenirs : ces éléments permettront-ils à Anita de lever le voile sur les événements passés ? Et, peut-être, de remédier à un futur qui s'annonce plongé dans les ténèbres.
Pour cela : une seule solution. Survivre à l'exploration de cet immeuble abandonné, rappelant furieusement une plongée dans l'univers de la ville de Silent Hill. Un court message, qui marquera à jamais Anita.
Conditions de test
Ça ne va pas vous surprendre : The Short Message, dernière déclinaison de l'univers de Silent Hill, a été ici téléchargée sur le Playstation Store. Version commerciale ? Pas exactement, puisque l'ensemble de l'expérience est gratuit. Donc ce petit encart n'a pas de véritable justification, mais ici, on est attachés aux traditions.
C'est la pagaille dans la série Silent Hill
Quatre épisodes : voilà tout ce qu'il aura fallu à la série Silent Hill pour se hisser dans le cœur des amateurs d'horreur psychologiques. Deux décennies : c'est le temps que Konami aura jugé nécessaire pour plonger les mêmes aficionados dans les limbes du désespoir.
Après les quatre jeux marquants de la Team Silent, la franchise a subi de nombreux remous. Entre volets à la qualité fluctuante, gérés par des studios européens, une compilation de remasters foireux, un nouvel épisode ultra-prometteur annulé, un silence radio, le remake d'un jeu de légende qui ne s'annonce pas si bien, et une expérience collective complètement à l'ouest : oui, il y avait de quoi s'en faire pour la licence.
C'est quand on s'attend au pire qu'on n'est jamais déçus, et c'est également ainsi que l'on peut avoir de belles surprises. Ainsi est apparue, inopinément, l'expérience Silent Hill : the Short Message. Annoncée lors du State of Play de février 2024, la démo entièrement gratuite était aussitôt téléchargeable.
Une bonne occasion pour les joueurs de redécouvrir l'univers de Silent Hill, ou pour les néophytes de le découvrir. Cependant, rarement la ville états-unienne a été aussi absente d'un titre la mentionnant. Et ce n'est pas forcément pour le pire. Première surprise.
Silent Hill : the Short Message, une expérience au confluent des tendances
Non, The Short Message ne se passe pas dans l'embrumée bourgade des États-Unis. L'influence de la ville est cependant prégnante dans l'immeuble désaffecté de Kettenstadt. À tel point, d'ailleurs, que l'essentiel des communications orales ou des documents écrits seront en langue anglaise.
Oui, c'est un premier impair assez étonnant, que l'on tentera d'évincer de sa mémoire parce que bon, un jeu, c'est une expérience. De ce côté-là, Silent Hill : the Short Message a la bonne idée de cerner et de référencer l'univers de la série de jeux.
Si certaines mentions sont plus ou moins subtiles, d'un trou dans le mur griffonné rappelant évidemment The Room, jusqu'à la présence de peluches de lapin tirées du troisième volet, jusqu'aux environnements rongés par la rouille, c'est bien entendu l'expérience P.T., aussi appelée Silent Hills, qu'il faut regarder.
The Short Message reprend à son compte l'exploration en vue à la première personne de l'expérience conçue par Hideo Kojima, et tristement annulée par la suite. Une bonne idée, puisque cette immersion, déjà intronisée dans certaines phases de The Room, permet de davantage admirer les efforts de HexaDrive, le studio de développement, en matière de narration environnementale.
La démo de Silent Hill : the Short Message est belle, son atmosphère convaincante, et on ne peut que se demander l'intérêt financier de Konami en la publiant, de manière gratuite, sans que cela ne mène à un jeu commercialisé à terme.
Altruisme de la part d'un éditeur jugé vénal ? Opportunisme afin de redorer le blason d'une série dépassée ? À chacun d'en juger. D'autant que tout n'est pas rose pour le court message qui nous intéresse ici.
Une mise en scène et une écriture un peu problématiques
Un carton d'avertissement apparaît à de nombreuses reprises dans le jeu. Les thématiques de ce dernier sont le harcèlement scolaire, le cyberharcèlement, le suicide, la maltraitance infantile, et la dépression. Mieux vaut être prévenu, tant ces thématiques douloureuses sont au centre de son propos.
Si l'intention est louable, la démonstration, elle, est plus complexe. Silent Hill : the Short Message ne brille pas particulièrement par sa qualité d'écriture. Un peu confus, dans la manière dont certaines thématiques s'aglomèrent, il ne permet pas de réellement s'immerger dans la position d'Anita.
Pourtant, il y avait de quoi faire. La possession du smartphone aurait permis de davantage explorer le passé de la jeune femme, de ses relations. Une opportunité gâchée, pourtant au centre d'autres titres similaires, comme Sara is Missing ou Emily is Away. Par ailleurs, les dialogues ne sont pas convaincants, trop génériques, empiétant l'empathie que l'on pourrait prêter à notre personnage.
La mise en scène, partagée entre escape game, sensibilisation de thématiques, et exploration, pêche aussi quelque peu. Grosso modo, Silent Hill : the Short Message est divisé entre trois phases. La première, centrale, met en avant l'exploration à la première personne. D'autres passages, filmés avec de vraies actrices, conservent également cette vue. Paradoxalement, les cut-scenes montrent Anita à la troisième personne.
Un étrange choix, puisque ces dernières phases d'exploration entament durablement la notion d'immersion visiblement chère à HexaDrive. Cela, avec les documents et voix en anglais, prouve que The Short Message n'a pas été tout à fait bien réfléchi en amont.
The Short Message : walking sim plaisant, escape game frustrant
Au-delà de ces considérations, la teneur d'un jeu vidéo doit s'établir sur son gameplay. Si l'ensemble des phases jouées s'effectue à la première personne, différentes phases scindent l'expérience, par ailleurs relativement courte. Comptez une heure et demie à deux heures et demie pour en voir le bout.
Essentiellement, il faudra explorer des couloirs et appartements pour en savoir plus sur ce qui se passe dans l'immeuble de Kettenstadt. Une fois les indices d'un lieu analysés, une porte s'ouvre, vous invitant à délaisser le lieu actuel. Parfois, cela embraie sur une exploration par cycles, inaugurée par l'expérience PT / Silent Hills naguère, un rappel plutôt bienvenu et maîtrisé.
Malheureusement, viennent des phases de course. Poursuivie par une apparition monstrueuse, Anita devra la semer dans le labyrinthe de rouille, transposant clairement l'univers de Silent Hill dans la Villa de la ville allemande. Ici, il sera question d'essais et d'erreur. Dans ce dernier cas, Anita sera rattrapée et tuée par le monstre, la ramenant à un précédent point de sauvegarde.
Si l'idée, sur le papier, est intéressante, elle se révèle aussi éminemment frustrante, compte tenu du peu de clarté sur la direction à suivre pour survivre. Le point culminant est atteint lors de la dernière de ces phases, où il faudra, en plus d'éviter ce monstre, trouver certains indices avant de débloquer le chemin. Pas très claire, assez confuse, cette dernière excursion ne marquera pas les esprits pour le meilleur.
Dommage, tant en peaufinant l'aspect walking sim, et en mettant en place davantage d'apparitions du fantastique plus subtiles, Silent Hill : The Short Message s'en serait tiré à meilleur compte.
Une expérience plus rassurante pour la franchise après 20 ans de déceptions
Ne boudons pas notre plaisir pour autant. Silent Hill : the Short Message est une note d'intention des plus appréciables pour qui a un tant soit peu d'intérêt pour la licence de Konami.
Parvenant à raviver certains éléments chers à la série, bien aidée par la musique composée par le légendaire Akira Yamaoka, cette démo, gratuite rappelons-le, prouve sa bienveillance à l'égard d'un passé légendaire, forcé à évoluer vers la modernité.
Évidemment, une nouvelle expérience est une prise de risque. Il y aura forcément des déçus, et The Short Message n'est pas parfait. Toutefois, la démo parvient à être suffisamment convaincante et intrigante pour inciter à l'espoir.
La position de Konami est difficile à lire. L'éditeur semble confier une multitude de projets à une profusion de studios dans l'espoir, qu'à un moment, la mayonnaise prenne. Avec The Short Message, l'entreprise serait bien avisée de s'arrêter un peu plus pour établir un futur un peu plus stable et pérenne pour Silent Hill.