Décidément, Apple TV+ semble se donner les moyens de ses ambitions. Après Fondation, voilà que le service de streaming récidive et adapte une autre série de romans SF à succès. Entre ici, chère critique de la première saison de Silo, et dévoile-nous les mystères que tu recèles.
Une première saison qui comporte un Silo de mystères
Des milliers de personnes vivent dans un espace sous-terrain, appelé le Silo. Pourtant, des interdictions et tabous entravent la liberté des individus, et certains se trouvent rapidement traqués par les autorités en place.
L'extérieur n'apparaît qu'à travers des écrans, affichant des territoires désolés. La sanction pour quiconque contrevient à l'ordre public ? Le nettoyage de la caméra filmant ce désert. La femme du shérif Holston Becker est amenée à cette punition, créant un engrenage qui pourrait bien annoncer la fin du Silo.
Heureusement, on sait que c'est une trilogie de livres que souhaite adapter Apple TV+ avec cette série télé. Il y a encore de l'espoir pour Juliette Nichols et les siens.
La nouvelle perle SF parmi les séries Apple TV+ ?
On ne le dira jamais assez ; en dépit de son jeune âge, Apple TV+ impressionne. Son ratio entre séries produites et succès est bien supérieur à ce que peuvent proposer ses rivaux, Netflix, Prime Video, ou Disney+.
Plutôt que de s'appuyer sur des romans trop connus du grand public, ou des ouvrages young adult dystopiques avec l'éternel triangle amoureux qui ralentit l'intrigue, la firme de Cupertino, elle, préfère innover.
Ted Lasso, The Morning Show, Severance, Servant : autant de réussites sur lesquelles le SVOD peut s'appuyer. Certes, sa plus grande production à ce jour, Fondation, avait résulté en une première saison mitigée. Toutefois, l'intention était là : transposer un matériau jugé inadaptable, parmi les plus complexes, narrativement, de la science fiction.
La nouvelle-venue, Silo, joue dans cette cour là. Après un roman coup de poing paru en 2012 sous la plume de Hugh Howley, et ayant motivé deux suites, la désormais trilogie a emmené dans son sillon de nombreux lecteurs assidus. Sans être un phénomène littéraire, elle a suffisamment marqué les esprits pour attirer les studios.
Un choix qui peut paraître étonnant, le projet se situant aux antipodes d'un produit grand public. Plonger le spectateur durant dix épisodes de cinquante minutes dans un endroit confiné, propice à la claustrophobie, n'a rien d'alléchant sur le papier.
Visuellement, si l'architecture du Silo est parfaitement respectée, il est difficile de rentrer dans chaque épisode, tant le volet esthétique peut paraître fade.
C'est par d'autres aspects que la première saison de Silo sur Apple TV + parvient à briller par intermittence. Néanmoins, contrairement aux choix opérés sur Fondation, elle risque de lasser quelque peu les lecteurs de l'œuvre originelle, en raison d'une trop grande fidélité au matériau originel.
Un Silo d'intelligence dans l'adaptation
Pourtant, les différences entre le livre Silo et son adaptation en série télé sont nombreuses. Elles attestent cependant d'une contradiction assez étrange. Délaissant les deux premiers arcs du roman, ou les réduisant drastiquement, la production Apple TV+ cède rapidement aux sirènes de Juliette Nichols, véritable héroïne de ces dix premiers épisodes.
Cet empressement se retrouve à divers niveaux. Les personnages de Holston Becker, son épouse, et surtout l'idylle entre la maire et l'adjoint au shérif sont à peine esquissés. L'histoire reviendra plusieurs fois sur leur impact, sans que jamais le spectateur n'ait pu véritablement le mesurer.
En contrepartie, la série n'hésite pas à approfondir d'autres protagonistes. Juliette Nichols était déjà relativement antipathique, disons froide, dans le roman. Elle hérite, à travers l'interprétation réussie de Rebecca Ferguson, d'une caractéristique plus égoïste encore.
C'est tout l'inverse de son adjoint, Paul Billings, dont tout incite à la sympathie. Même Bernard, dont le véritable rôle ne se dévoile qu'après un retournement de situation qui ne trompera personne, trouve une profondeur et une justesse inédites avec cette adaptation.
Il s'en est fallu de peu pour que le même constat s'applique à Robert Sims. Celui-ci demeure, finalement, malheureusement caricatural dans ses apparitions.
La série prend donc le temps de s'attarder sur des personnages secondaires, leur conférant un surplus d'humanité. Tout l'inverse des protagonistes centraux, rapidement remisés dans cette première saison. Il faut voir le sort réservé à Lukas Kyle, pourtant essentiel au roman - certes, davantage dans la seconde moitié et ses suites.
Apple TV+ soigne la production, mais délaisse toujours la réalisation
Néanmoins, la série Silo d'Apple TV+ parvient à restituer l'ambiance de cet espace confiné, presque carcéral. Des événements ont lieu, des libertés sont prises par rapport au roman ? L'ensemble se tient néanmoins, en dépit de certains éléments clés très rapidement survolés pour faire place au récit.
Cette cohésion, les dix épisodes la doivent essentiellement à l'intelligence dans la production du service de streaming. Plutôt que de sortir le chéquier à tout bout de champ pour des créations visuellement réussies, mais scénaristiquement décevantes, Apple TV+ a décidé d'engager des réalisateurs doués.
Alors, pas toujours, hein, du moins pas assez. On est loin de la réflexion que pouvait avoir Severance sur les notions de symétrie et de parallèle ; pas même celle dont peut faire preuve Ted Lasso au moment de montrer la perte de sens et de repères.
Finalement, la réalisation se contente de champs et de contrechamps lorsque les personnages sont présents. Les images ne portent pas en elles de véritables leviers d'interprétation.
En creux, toutefois, parvient toujours à demeurer la contradictoire immensité étriquée du Silo. Les plans de l'escalier sont aérés, tout en renfermant un peu plus les protagonistes dans ces ailes.
Pas de quoi en faire un immense succès esthétique ; ni motiver un choc comme, en son temps, la série britannique Utopia avait pu l'être. Silo raconte une histoire avec des personnages avant toute chose, davantage qu'avec des images.
L'engrainage infernal de Silo
On se prend alors à espérer que la série puisse concrétiser à travers une seconde saison réussie. Et, surtout, on a hâte de voir la troisième, qui devrait s'attarder sur le second roman, Silo Origines, plus ambitieux dans sa portée politique et narrative.
Dans cette perspective, Apple TV+ a déjà de belles cartes à jouer. Quand bien même elle pourrait exaspérer les lecteurs préalables de l'œuvre originelle.
En changeant certains aspects mineurs, en ôtant certains arcs majeurs, et en demeurant finalement trop fidèle au roman de Hugh Howley, la première saison de Silo se révèle éminemment frustrante à cet égard.
Les retournements de situation sont téléphonés, et seule une maîtrise certaine du rythme lors de la conclusion parvient à inciter à l'enthousiasme. Portée par un casting talentueux, et une équipe technique au diapason, la création originale Silo a tous les atouts pour séduire les spectateurs ne connaissant pas le roman.
Pour les autres, en revanche, ils auront hâte, à coup sûr, hâte que la série regarde à l'extérieur. C'est dans ces silos-là que se trouvent les clés du succès, pour une série qui se montre, globalement, à la hauteur des attentes portées en elle. Bien moindres, compte tenu de son rayonnement plus confidentiel, que Fondation, cependant.