Près de 14 ans d'absence, et voilà qu'une licence historique du jeu vidéo revient avec Prince of Persia : the Lost Crown. Un jeu signé Ubisoft, conjuguant inspirations du passé et modernes, pour un résultat très convainquant. Sans se défaire de quelques défauts, mentionnés dans notre test de Prince of Persia : the lost Crown.
Prince of Persia : the lost Crown, au service de l'Histoire
Depuis des années, le royaume de Perse est en proie aux tourments. La famine et les ennemis sont le lot quotidien du règne de la reine Thomyris. Heureusement, la souveraine peut compter sur les Immortels, un groupe de sept soldats aux pouvoirs conséquents, pour défendre le territoire.
Parmi ceux-ci, le plus jeune, Sargon, se distingue par sa polyvalence. Réussissant à s'attirer les louanges de ses pairs, il est bientôt emporté dans une aventure qu'il n'osait imaginer. De retour après une campagne militaire couronnée de succès, il va lui falloir poursuivre son ancienne préceptrice, Anahita. Celle-ci a kidnappé le prince de Perse (tiens donc), Ghassan, l'emmenant dans le labyrinthe qu'est le mont Qaf.
Accompagné par ses camarades Immortels, Sargon va faire la lumière sur d'anciens et futurs événements, au confluent du temps et du royaume. Une aventure qui le changera à tout jamais, et qui risque de bouleverser l'ensemble de la Perse antique.
Conditions de test
Le jeu a été testé sur Playstation 5, à partir d'une version commerciale. À sa sortie, Prince of Persia : the Lost Crown possédait quelques bugs, dont l'un bloquant, empêchant l'accomplissement d'une quête secondaire. Si un patch devrait remédier au problème, il serait bon qu'Ubisoft se rappelle à sortir des jeux complets et finis, à l'occasion.
Un jeu d'ambition moindre pour retrouver le trône d'Ubisoft
Dire que les développeurs d'Ubisoft Montpellier ont établi en sous-texte la situation de l'éditeur français serait sûrement faux. Pourtant, difficile de ne pas voir dans la délicate situation de la Perse que nous présente le jeu certains parallèles avec la situation de l'entreprise française dirigée par Yves Guillemot.
Accusé de nombreux mots dans sa gestion des employés, particulièrement les employées, d'ailleurs, le géant hexagonal du jeu vidéo effectue un revirement qu'on ne lui connaissait pas. Finis, les mondes ouverts aux cartes couvertes de points d'intérêt à découvrir ; le jeu revient à ses premiers amours, en ravivant la flamme de Prince of Persia.
Une licence prestigieuse, ayant fait certaines des plus belles heures de l'éditeur durant la génération PS2, et aux abonnés absents depuis près de 14 ans. Oui, le credo de l'assassin aura eu un temps la peau de cette franchise.
Pour l'occasion, Prince of Persia : the Lost Crown opère un salvateur retour aux sources. La formule du jeu d'action aventure en trois dimensions est oubliée, au profit d'un gameplay en 2D, rappelant le premier jeu, paru en 1989. Des ambitions moindres, pour un jeu au budget plus leste que les innombrables Assassin's Creed et autres Ubisotteries ?
Peut-être. Mais impossible de se contenter de cela en 2024. Aussi le jeu prend-il les codes du metroidvania, un genre très populaire et apprécié eu sein de productions d'ordinaires plus indépendantes. Heureusement, l'équipe de développement de Ubisoft Montpellier en retire la quintessence.
Hollow Knight, Ori : le confluent des influences du metroidvania
Le genre du metroidvania est aujourd'hui l'apanage des jeux indépendants, ou quasi. Ces dernières années, de nombreuses influences parviennent à invoquer et améliorer avec succès la formule instaurée, historiquement, par Metroid et Castlevania : Symphony of the Night.
Blasphemous, Ori, Hollow Knight, Guacamelee, pour ne citer qu'eux, ont chacun réussi à s'attirer les faveurs du public. Chacun dans leur registre, avec leurs spécificités, améliorèrent ou spécialisèrent le genre pour s'en approprier les codes. Indéniablement, Prince of Persia : the lost Crown n'est pas un monarque qui ignore ses sujets.
Le jeu d'Ubisoft Montpellier parvient à citer certains des plus éminents représentants du genre. De la nervosité d'Ori and the Blind Forest, à l'exploration et au lore mythique d'Hollow Knight, en passant par les combats nerveux de Blasphemous ; les références sont comprises, assimilées, et facilitent l'approche de ce jeu.
Lequel parvient à dégager, par la force de sa proposition, une identité qui lui est propre. Et cela, en dépit de ces nombreuses influences. Pour cela, Prince of Persia : the Lost Crown s'appuie notamment sur une palette de mouvements particulièrement agréable à effectuer.
Très vite, un certain flow s'installe manette en main. Malgré son nom de liquide lessive, Sargon se manie remarquablement bien. Les tableaux se traversent remarquablement bien, et les ennemis sont suffisamment variés pour ne pas être pénibles à battre. Un plaisir de jeu éprouvé, qui n'attendra pas l'acquisition des derniers pouvoirs pour se faire ressentir.
The Lost Crown : un Prince of Persia d'une richesse enthousiasmante
Car qui dit metroidvania, dit inévitablement pouvoirs à acquérir pour ouvrir ou explorer de nouveaux passages. De ce point de vue, Prince of Persia : the Lost Crown répond en tous points aux poncifs du genre. Tout en se révélant remarquablement riche, bien dosé et structuré, sans que la lassitude ne pointe tout au long des 25 heures que dure l'aventure.
Les combats bénéficient d'une emphase toute particulière. Les pouvoirs acquis, s'ils optimisent les déplacements, peuvent aussi judicieusement être utilisés lors des affrontements. Lesquels se révéleront parfois retors, notamment à l'occasion de certains boss (ah, cet archer de malheur, je vous jure).
Pour une meilleure appréhension des possibilités martiales, les développeurs ont eu la bonne idée de laisser disponible une aire d'entraînement et de défis. Ceux-ci permettent de mieux s'adapter aux différentes combinaisons entre les coups normaux et les pouvoirs spéciaux nouvellement acquis.
Si les confrontations constituent une part importante de l'expérience Prince of Persia : the lost Crown, elle reste toutefois mineure par rapport à la plateforme. Celle-ci se perçoit aussi bien par l'exploration de la carte que dans certaines énigmes, qui impliqueront méninges et habileté.
Mention spéciale pour les trop rares occasions où il s'agira de manier trois Sargon dans le temps. Parmi les énigmes les plus intéressants qu'il m'ait été donné de faire. Sans oublier des phases de dextérité rappelant le bon souvenir de Céleste ou Rayman Origins.
En ressort une impression des plus enthousiasmantes. La présence de checkpoints très régulière empêche l'expérience de se montrer injuste. Toujours le jeu va dans le sens du plaisir du joueur, en lui proposant des challenges stimulants, parfois ardus, mais ô combien valorisants une fois ceux-ci maîtrisés.
L'art de Prince of Persia : the Lost Crown, un acte manqué des plus frustrants
Abordons désormais les points les plus embêtants de ce nouveau Prince of Persia. Car oui, il y en a, n'en déplaise aux nombreux médias qui crient au GOTY dès la première moitié de janvier, aussitôt qu'un jeu leur plaît un tant soit peu. Z'avez vu, ça balance ici hein ?
D'une part, l'aspect esthétique va forcément parler. Le premier contact, de notre côté, a été pour le moins compliqué. Et cela, jusqu'au bout. Qu'il s'agisse des cutscenes en 3D, ou du jeu en main en défilement horizontal, le parti-pris graphique est assez osé... Et perdant, ici.
Difficile de ne pas comparer la direction artistique du jeu d'Ubisoft Montpellier avec la maîtrise incontestable, dans leurs registres propres, de Hollow Knight ou des deux Ori. Incompréhensible de se dire qu'a fortiori, Prince of Persia : the lost Crown dispose d'un budget plus conséquent. La science du vide est le propre de ce jeu, avec des environnements trop grands, et très peu riches en narration environnementale.
Oui, Prince of Persia : the Lost Crown fait penser au jeu de la franchise paru en 2008, dans ses meilleurs moments. Toutefois, le mélange de 3D dans un univers 2D est vraiment bancal au niveau esthétique. De notre côté, on n'a pas peur de le dire : on a trouvé ça moche. Du début, jusqu'à la fin.
L'équipe de développement a eu la bonne idée de faire appel au compositeur d'Ori, Gareth Cooker. Malheureusement, si certains thèmes font leur effet, l'ensemble reste bien trop discret et parcimonieux pour marquer véritablement les esprits.
Il s'agit d'un véritable impair pour le jeu. Remarquez : on ne saurait trop reprocher à Prince of Persia : the lost Crown d'avoir peaufiné son gameplay aux dépens de son esthétique visuelle et sonore.
L'avidité éhontée d'un Prince de Perse pas encore roi dans son royaume
Ce qu'on ne saurait excuser, en revanche, c'est l'opportunisme dont fait preuve Ubisoft avec Prince of Persia : the Lost Crown.
Hé, vous vous rappelez quand l'éditeur sortait Assassin's Creed 2, et ses deux derniers chapitres étaient uniquement disponibles en DLC ? Quand il reproduisait ce même détestable mouvement à la faveur de Prince of Persia : Epilogue, en 2008 ?
Opérant à la faveur de ce nouveau jeu un retour dans le passé, l'éditeur replonge dans ses pires initiatives mercantiles. Aussi, si l'histoire de the Lost Crown ne constitue pas le point le plus réussi du jeu, elle suscite tout de même l'intérêt. De nombreux retournements de situation et révélations jalonnent le périple de Sargon sur le mont Qaf.
En sous-main, de nombreux documents, dont l'écriture se révèle très lourde, explore le lore dans lequel baigne l'univers créé par Ubisoft Montpellier. S'inspirant d'Hollow Knight pour l'aspect cryptique, il témoigne, pour certains des écrits les plus marquants, d'un arc narratif complètement oublié par la fin du jeu. Une histoire de bébés substitués, pour qui a fini le jeu parmi nos élégants lecteurs.
Par ailleurs, il est fait mention d'un personnage, œuvrant dans l'ombre, jaloux de Sargon, qui est cité à la fin du jeu. Où est passée Rajden, bon sang de bonsoir ? On ne saurait que trop reprocher à Ubisoft d'avoir conservé certaines cartes en main pour miser de futurs contenus additionnels, voire d'une suite.
N'en déplaise : à l'heure actuelle, le récit de Prince of Persia : the lost Crown est inachevé. Ce qui est frustrant, tant la proposition du titre aurait mérité une aventure cohérente. L'avidité de l'éditeur a prédominé, semblerait-il, ce qui est vraiment faire offense au dévouement des développeurs.
Une couronne perdue, mais un trône retrouvé pour le prince de Perse
En dépit de ces quelques éléments plus compliqués à appréhender, voire à justifier, n'en demeure pas moins que Prince of Persia : the Lost Crown est une réussite.
Parvenant à invoquer l'ensemble du passé de la saga, des premiers jeux en 2D jusqu'à l'âge d'or de la Playstation 2, il s'agit même, dans certains aspects, d'un tour de force qui réussit à se distinguer de la profusion de metroidvania dans le secteur du jeu vidéo.
Parfaitement maniable, intelligent, bien pensé, stimulant, et assez grisant dans son exploration, le jeu d'Ubisoft Montpellier prouve le dévouement d'une équipe ayant compris l'origine d'une saga, ainsi qu'un genre à part entière et ses références.
Prince of Persia : the Lost Crown peut être inachevé, il s'agit d'un minuscule impair en comparaison du plaisir ressenti, des nombreuses possibilités portant le joueur vers l'avant tout au long des 25 heures d'un jeu riche, généreux, et finalement très bon.
Peut-être pas le jeu de l'année que certains proclament, mais une excellente expérience, qui fera date au moins pour la franchise. Et, très honnêtement, compte tenu de la situation d'Ubisoft, et des propositions les plus récentes de l'éditeur, pareil constat était inespéré.