Rares ont été les jeux à avoir été entourés d'autant de polémiques. C'est un fait, tout, de sa genèse à sa commercialisation, a été compliqué pour Hogwarts Legacy : l'héritage de Poudlard. Le jeu n'est pourtant pas dépourvu de qualités, sur lesquelles il convient de revenir. Ce dérivé de l'univers de Harry Potter est-il, outre un fantasme de fan enfin concrétisé, un véritable bon jeu ? Voici le test de Hogwarts Legacy pour s'en assurer.
Découvrez l'histoire secrète de Poudlard dans Hogwarts Legacy
Vous incarnez un nouvel élève au sein de Poudlard. Entrant dans la célèbre école de sorciers lors de sa cinquième année, l'arrivant doit faire ses preuves auprès des professeurs. Bon, déjà, rentrer en cinquième année à Poudlard, c'est atypique, mais ce n'est encore rien.
Notre avatar possède la capacité de percevoir et de maîtriser une magie ancienne, quasi-disparue aujourd'hui. Enfin, aujourd'hui à la fin du XIXème siècle, puisque c'est à ce moment que prend place Hogwarts Legacy.
Pas de Harry Potter, donc, mais bon nombre de familles connues de l'univers des sorciers. Ces liens vous permettront-ils de faire dérailler la menace à l'encontre de l'école, et plus globalement, du monde de la magie et des Moldus ? Il ne tient qu'à vous de faire vos preuves, au risque d'être une B.U.S.E. à ce jeu.
Conditions de test
Le jeu a été testé depuis une version commerciale et Deluxe (oui, on souhaitait réaliser cette critique au plus vite) sur Playstation 5. Les paramètres ont été placés, comme d'accoutumée, sur Performances afin d'obtenir le 60 FPS. Pour l'heure, quelques bugs sont à déplorer, essentiellement anecdotiques et jamais bloquants dans les quêtes.
On est pas là pour Paul et Mickey, et pour personne d'autre non plus
Après cette belle citation de Gustave Parking, il convient d'établir un point. Nous ne reviendrons pas ici sur les nombreuses et vastes polémiques qui touchent le jeu, ainsi que l'univers d'Harry Potter de manière générale. Bien des articles les ont rappelés, sur ce site comme ailleurs. Arrive ainsi le moment où il s'agit de savoir ce que le titre nous réserve avant toute chose.
Annoncé et présenté en 2019, Hogwarts Legacy fait figure de fantasme pour bon nombre de fans de l'univers créé par JK Rowling. Il faut dire que, dans les faits, aucun de ses prédécesseurs n'a pleinement exploité l'immense potentiel de cette saga.
Aussi, faire une critique de ce jeu n'est pas chose aisée. Chacun verra midi à sa porte, selon qu'il soit fan de la première heure, amateur de bon jeu vidéo, ou les deux.
Si le rédacteur de ces lignes concède bon nombre de qualités au volet littéraire de Harry Potter, il lui préfère d'autres références en termes de fantasy. L'Assassin Royal, les Annales du Disque-Monde, les écrits d'Ursula LeGuin, ou encore La Croisée des Mondes ont plus marqué son imaginaire.
On penchera alors pour la deuxième possibilité. Hogwarts Legacy est ainsi attendu comme un bon jeu, avant que d'être celui du fan service à outrance. Tout en gardant en tête certaines règles immuables de cet univers... que le jeu a malheureusement tendance à ignorer, parfois.
Le fantasme de tout Potterhead : l'école de Poudlard reconstituée
Le menu est annoncé, et commence par l'entrée. Non pas à Poudlard, mais dans l'éditeur de création de personnage. C'est l'une des caractéristiques de Hogwarts Legacy : pouvoir personnaliser son avatar. Tout ceci, juste avant sa rentrée, directement en cinquième année dans la célèbre école de sorciers.
Une fois ceci fait, et après un court prologue d'une heure, enfin l'immersion en tant qu'étudiant de magie peut débuter. La première étape fait indéniablement plaisir, avec le choix de l'école, fait par l'entremise d'un simple questionnaire fourni par le Choixpeau magique.
Serpentard, Poufsouffle, Serdaigle ou Gryffondor ; chaque école possède sa propre salle commune, exclusive et impossible à visiter pour les autres étudiants. Si le respect des écrits de Rowling et des adaptations est ici avéré, il ne s'agit que de peu de choses par rapport à l'enceinte de Poudlard.
C'est simple : les premières heures passées à déambuler au sein de l'école et ses environs seront ponctuées de "Ouah" admiratifs. Le travail des développeurs est gigantesque. Reconstituer l'immensité labyrinthique de Poudlard n'a pas été de tout repos. La concrétisation de cette tâche, manette en main, est propice à la contemplation de bien des aspects.
Les tableaux voient leurs représentations bouger ; les escaliers se déroulent sous nos pieds ; on reconnaît des lieux iconiques des livres et films. L'immersion est présente, et suscite un sentiment écrasant. On est tout petit au sein de cet immense dédale.
L'ombre du sourceleur plane sur Hogwarts Legacy
Hogwarts Legacy prend la forme d'un open world assez balisé et scripté. Actuellement, deux titres en matière de jeu d'aventure et de rôle font figure de référence.
The Witcher 3, ses quêtes annexes et principales très bien écrites, son respect du lore, et son immense carte à explorer. Celui-ci est une évolution sur tous les points du monde ouvert tel que pensé par les productions Ubisoft.
Et, bien entendu, The Legend of Zelda : Breath of the Wild, qui a révolutionné cette conception, au point de devenir, pour beaucoup, le jeu le plus marquant des années 2010.
C'est davantage auprès du sorceleur que Hogwarts Legacy tire son héritage. Le titre met en avant bon nombre de quêtes annexes et principales, avec une composante crafting dans l'air du temps. Contrairement à son illustre aïeul toutefois, force est de constater que l'écriture n'est pas très engageante, avec des propositions assez standards en la matière.
Pire, les transitions entre chaque lieu sont assez arbitraires, et donnent l'impression d'un manque de finition. Si l'on espérait pas forcément un plan séquence façon God of War : Ragnarök, la juxtaposition de certaines scènes fait tiquer à de nombreuses reprises.
Plus encore, l'ergonomie des menus n'est vraiment pas aisée. Il faudra constamment faire des allers retours entre ses très nombreux volets pour retrouver un document donnant une clé de solution pour une énigme. L'utilisation de la carte, surtout au sein de Poudlard, se révèle elle aussi fastidieuse. Un défaut presque excusable, quand on contemple l'immensité du bâtiment, et le labyrinthe qu'il constitue.
Toutefois, en dépit de ces quelques éléments, parcourir Poudlard et ses environs, immenses et parfaitement reconstitués, incluant la ville de Pré-au-Lard, s'effectue avec plaisir. Il ne sera pas rare de passer des heures à explorer.
Si explorer signifie suivre des points de quête, ou analyser l'environnement par le biais du sort Revello.
L'héritage de l'école buissonnière manque de rythme
L'un des aspects qui pouvait à la fois cristalliser les attentes et les craintes des joueurs est bien là. Il faudra effectivement suivre des cours pour progresser au sein de l'école, en apprenant de nouveaux sorts, et en se faisant de nouveaux alliés.
Toutefois, ceux-ci n'entravent que peu le rythme du jeu. Ils ne représentent qu'une fraction de l'aventure, à notre grand dam. Non pas qu'ici, nous soyons particulièrement nostalgiques des bancs de l'école, mais dans un souci de crédibilité, que les cours constituent une part non négligeable de Hogwarts Legacy n'eût pas été de trop.
Dans cette perspective, s'inspirer de l'éclatante réussite de Persona 5, pour ne citer que lui, était à la portée du jeu. En organisant son emploi du temps, en tenant compte des horaires de cours, cet héritage de Poudlard aurait pu ménager son rythme.
En lieu et place de cela, notre avatar pourra librement parcourir l'école et ses environs durant plusieurs jours et nuits d'affilée. Pas de gestion, donc, de la nourriture, du sommeil, ou d'un emploi du temps, qui impliqueraient des contraintes, et donc une certaine gestion de la part des apprentis sorciers.
Au lieu de ça, le jeu se compose donc d'un open-world comme il y en a d'autres. Quêtes annexes, principales, recherche de collectables, combats inopinés rythment le parcours du joueur au sein de l'école. Heureusement, il y a du très bon à relever dans ce dernier registre.
Accio : les combats de baguette bien plus enthousiasmants que prévus
Au gré des cours et des quêtes, de nombreux sorts seront proposés aux joueurs. Parmi ces capacités, certaines seront utiles à la résolution d'énigmes, d'autres propices à l'exploration, et parfois spécifiques à une utilisation en combat.
Les combats constituent une part non négligeable de Hogwarts Legacy. En l'état, ils ne révolutionnent rien, mais parviennent à s'inspirer de références du genre pour offrir une expérience plus que satisfaisante manette en main.
Il y avait matière à craindre cet aspect-là de Hogwarts Legacy. Combattre avec une baguette magique pouvait sembler trop figé et peu dynamique. Il n'en est rien, grâce aux différentes combinaisons de pouvoirs disponibles, à des possibilités pour parer et esquiver les sorts.
Par bien des aspects, ils rappellent le système ô combien réutilisé introduit par le studio Rocksteady avec les Batman Arkham. Un signal apparaît sur le protagoniste, indiquant une attaque standard, ou un sort imparable. À lui d'appuyer sur la bonne touche pour s'en défaire.
En contrepartie, les adversaires induisent des mécaniques de combat spécifique. L'usage d'un sort approprié contre une couche de protection d'une certaine couleur permettra d'en découdre plus aisément avec les ennemis. Si l'on rajoute à cela les, certes maladroits, objectifs de combat, on obtient un ensemble très satisfaisant dans l'ensemble.
Hogwarts Legacy : des incohérences dans le monde de la magie
Au petit jeu des incohérences, Hogwarts Legacy est un cas d'école magique. Étonnant, tant la fidélité visuelle à l'univers semblait montrer une voie. Pourtant, les connaisseurs de l'univers en seront pour leurs frais.
Entre ici, étudiant psychopathe en sorcellerie
Aussi enthousiasmants soient-ils, les combats laissent poindre une incohérence des plus fâcheuses pour les aficionados de cet univers. Dans les arènes de magie noire, l'utilisation de sortilèges impardonnables sera obligatoire.
Comme le nom ne l'indique peut-être pas suffisamment, ces sorts sont prohibés par le Ministère de la Magie. Les personnes s'en rendant responsables sont lourdement sanctionnées, et ce, depuis 1717 si l'on en croit l'univers étendu de Harry Potter.
Aussi, voir un étudiant de cinquième année, débutant à peine la magie, faire usage de ces sorts interpelle grandement. De la même manière, qu'il puisse aussi bien maîtriser Avada Kedavra, Imperiolis ou Endoloris suscite l'étonnement. Bellatrix Lestrange ne disait-elle pas que pour bien utiliser ces sorts, il fallait une volonté farouche de faire mal à son adversaire ?
Et pourtant, notre avatar immergé dans cette aventure reste poli, en dépit de ses tendances particulièrement noires en termes de magie. Une dissonance ludo-narrative, quand on constate le nombre de gobelins, sorciers, et autres créatures vaguement menaçantes qui sont purement et simplement tuées par nos soins. On parle même, ici, d'animaux magiques. Poudlard serait-elle une école de psychopathes ?
Du danger des quêtes annexes à profusion
On se réconfortera avec l'ouverture de coffres, présents en grand nombre dans l'aventure. Seulement, là aussi, un élément pêche. Comment un accessoire de mode récent, un vêtement, peut-il se retrouver caché au sein d'un passage n'ayant pas été ouvert, parfois pendant des centaines d'années ?
Il en va de même des quêtes. On se demande vraiment à quel point les sorciers environnants peuvent être incompétents, au point de s'en remettre à ce point à un étudiant récemment initié à la magie pour effectuer de menues tâches.
Hogwarts Legacy n'est jamais logique. Jusqu'à en frôler l'idiotie pure et simple. Certains combats impliquent des braconniers dans les environs de Poudlard. Les rosser ne leur fera pas de mal, après tout, vous agissez évidemment en faveur de la cause animale.
Le problème, c'est que le jeu implique de capturer des animaux magiques. Puis d'en faire des élevages, dans une salle, au sein du château. Soit l'exacte définition du braconnage. Tout cela pour quoi, au final ? Simplement proposer du contenu, vide de tout sens et de toute cohésion.
L'héritage de Poudlard a peur de lasser, d'abandonner ses joueurs. Par conséquent, à la manière du premier jeu Ubisoft venu, il les submerge sous un amoncellement de quêtes, collections, objectifs et défis, tous plus vains les uns que les autres.
À force de trop vouloir copier ces maîtres, Hogwarts Legacy en oublie toute cohérence.
Pas besoin d'attendre la fin pour le générique
Si l'on en croit l'évolution de Harry Potter au gré de ses aventures, une cinquième année à Poudlard, ça marque. Si La Coupe de Feu aboutissait en une fin alarmiste, le cinquième tome, L'Ordre du Phénix, plongeait dans un fatalisme et une noirceur importants. Sans parler de la libido qui tiraillait nos chers élèves.
Dans Hogwarts Legacy, il n'en sera rien. En dépit de l'âge du protagoniste, le ton reste globalement enfantin. Une fois passé outre, bien sûr, les tueries de masse évoquées plus haut, et l'utilisation de sorts impardonnables.
C'est simple : tous les élèves de Poudlard sont sympathiques, sans parler des profs. Seuls le directeur Black et la bibliothécaire présentent de véritables mauvaises intentions, au premier abord tout du moins.
On ne peut que reprocher cet aspect-là à cet Héritage de Poudlard. Il avait le temps d'établir de véritables relations entre les élèves, d'immerger le joueur au sein d'une année dans l'école des sorciers. Avec ce que cela implique d'amitiés, d'inimités, de rivalités, et de relations amoureuses.
En lieu et place, le joueur suit un chemin déroulé de manière linéaire, sans véritable relief émotionnel. S'inspirant des plus grandes références en matière de monde ouvert et d'action-RPG, Hogwarts Legacy ne parvient jamais tout à fait à s'approprier l'immense potentiel de son matériau pour constituer une aventure unique et marquante.
Demeure ainsi l'impression d'un potentiel gâché, tristement galvaudé par une progression générique.
Hogwarts Legacy confirme les espoirs des fans et les craintes des joueurs
Hogwarts Legacy est-il le jeu rêvé par les fans ? Oui, par bien des aspects. Le respect global de l'univers de Harry Potter, les nombreux rappels à la saga originelle, notamment à travers des musiques ou des personnages secondaires, ont de quoi grandement enchanter les Potterheads.
Hogwarts Legacy : l'héritage de Poudlard, est-il un très bon jeu ? Malheureusement, non. Il semble porter sur lui le fardeau de faire un jeu plaisant à la fois aux joueurs et aux fans de la première heure. Un poids parfaitement compréhensible, qui compromet malheureusement les très bons aspects du titre.
Il n'y a ainsi pas véritablement de conséquence aux réponses données au sein des quêtes. La personnalité du protagoniste n'affectera jamais le déroulé de l'histoire.
Impossible, ainsi, de faire de notre personnage un parfait sorcier bienveillant. Après tout, il maîtrise les arcanes de la magie noire, et tue ses adversaires avec la même facilité qu'il mange des bonbons de Bertie Crochue. Il n'est pas non plus imaginable d'en faire le pire mage ayant jamais existé, le ton policé de l'aventure reprenant très vite le dessus.
En matière de jeu d'aventure, Hogwarts Legacy est une bonne proposition, n'innovant jamais toutefois. Sur l'aspect jeu de rôle, que l'on espérait marquant, il se révèle un échec retentissant. Surtout lorsque l'on considère l'immense potentiel présent dans l'univers créé par son honnie autrice, JK Rowling.